Elio Di Rupo (PS), défié comme jamais à Mons: retour sur une année politique chaotique

Elio Di Rupo a déjà connu des jours meilleurs en politique. Remis en cause à la tête du Parti socialiste, il est aussi pris pour cible dans son fief de Mons où il est bourgmestre depuis près de 20 ans. Des dossiers Lafosse et Ceuterick en passant par un climat délétère au sein du Conseil communal, sans compter une liste mixte qui se dresse contre lui. Elio Di Rupo est dans le dur. Retour sur une chute annoncée mais pas forcément actée.

L’année 2017 a été rude pour Elio Di Rupo. On peut même dire que le socialiste fut défié comme jamais il ne l’a été. C’est le cas à la tête de son parti et c’est encore plus vrai dans sa ville du Mons où il règne depuis 2000. Si la plupart des affaires qui ont jonché l’année politique ne le touchent pas directement, Elio Di Rupo ne peut échapper aux dommages collatéraux. Mais quoi de plus normal. Quand un navire prend l’eau, on se retourne directement vers son capitaine.

Il n’aura échappé à personne que les affaires Publifin à Liège, du Samusocial à Bruxelles ou encore de l’IPPC à Charleroi ont fait du tort au PS. Très tôt, le président de parti a été visé par la critique. On lui reprochait, dans un premier temps, de ne pas savoir tenir ses troupes, chaque fédération socialiste fonctionnant quelque peu en solo.

Défié au sein de son parti

Suite à la crise de la gouvernance et au changement de majorité, les critiques acerbes à l’encontre du PS ont logiquement glissé vers son chef. Les voix s’élèvent pour donner au PS un second souffle. Le candidat est tout trouvé: Paul Magnette, pour marquer un renouveau du parti, un nouvel élan. Tout au long de l’année, Elio a dû subir des questions sur son avenir, jusque dans les ultimes jours de l’année 2017. Thierry Bodson, Secrétaire général de la FGTB, et Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de l’Union nationale des Mutualités socialistes, sont montés au front en quête de changement.

Mais Elio a tenu bon, soutenu par Paul Magnette qui ne veut pas rejouer la scène de Brutus. Il attendra son tour, patiemment, après les élections législatives de 2019.

Mais entre-temps, les élections communales vont passer par là. Le 12 octobre 2018. Et on ne peut pas dire que les choses vont beaucoup mieux dans son fief de Mons. À peine le temps d’asseoir sa position à la tête du parti qu’Elio doit gérer des problèmes internes.

Défié à la Ville de Mons

Plusieurs affaires ont éclaté sans que le bourgmestre ne soit impliqué directement, encore une fois. Mais elles ont installé un climat de défiance. Cela a commencé avec l’affaire Ceuterick ou dite du Festival International du Film d’Amour de Mons (Fifa). Plusieurs plaintes pour harcèlement sont portées à l’encontre d’André Ceuterick, délégué-général du Festival. L’opposition demande un audit et la tête de Ceuterick. Refus de la part de la majorité. L’opposition se tourne vers la ministre de tutelle et le gèle des subsides est évoqué. Elio Di Rupo, à l’origine du festival, monte au front: « Le Fifa est un joyau culturel, quelque chose d’exceptionnel dans une ville comme la nôtre! Le festival, que j’ai créé, en est à sa 34e édition et aujourd’hui, avec la plus grande des légèretés, on parle de scandale, on jette le bébé avec l’eau du bain! C’est une attitude inqualifiable! ».

Pas suffisant: Alda Greoli (cdH), ministre de la Culture depuis le mois de juin, suspend les subsides. On parle quand de 350.000 euros par an. L’édition 2018 du festival est annulée, coup dur pour le bourgmestre. L’audit a finalement révéle ce mercredi qu’il n’y avait pas de problèmes, par rapport à la gestion de l’organisme en tout cas.

En parallèle, une autre affaire éclate. Elle touche Maurice Lafosse (PS), ex-bourgmestre de la Ville de Mons, et Pascal Lafosse, actuellement échevin en charge des Fêtes, des Sports et de la Mobilité. Le Père, le Fils, manque le sain d’esprit. Il leur est reproché d’utiliser une ASBL privée, mais subsidiée par la Région wallonne, à des fins électorales. En clair, certains employés de l’ASBL sont réquisitionnés pour distribuer des toutes-boîtes afin de promouvoir les deux protagonistes.

Encore une fois, la majorité et Georges-Louis Bouchez montent au créneau. Ils demandent la démission de l’échevin et que soit installé un comité de gouvernance. Même le cdH, partenaire de la majorité, réclamait la tenue d’une assemblée. Le PS se montre prudent dans un premier temps. Ce qui est perçu comme une volonté de minimiser la situation ou de gagner du temps. La Ville de Mons se dédouane, ce qui n’est pas du goût du chef de file MR: « Le collège socialiste indique que le seul lien entre la Ville et ce dossier serait l’envoi de quelques mails. C’est oublier les autres reportages… Un enregistrement audio de Maurice Lafosse indique que l’ASBL a réalisé des affiches pour l’ASBL Mons Sport qui est une ASBL para communale. Aussi, utiliser les moyens d’un échevinat pour faire de la propagande afin d’amener des gens à adhérer au PS est inacceptable. Enfin, il semblerait que des moyens aient été mis à disposition de l’ASBL par la Ville. »

Pascal Lafosse finit par démissionner pour redevenir simple Conseiller communal. Il sera néanmoins candidat pour les prochaines élections d’octobre soutenu majoritairement dans son fief de Cuesmes.

Une liste mixte pour le faire tomber

Ces deux affaires ont eu pour effet d’exacerber les tensions entre la majorité et l’opposition. L’impétueux Georges-Louis Bouchez a bien l’intention de faire tomber Elio Di Rupo de son trône. Preuve de cette vive tension, l’opposition doit payer pour recevoir les dossiers du collège communal. Le PS refuse de les envoyer par email. Le chef de file MR doit alors payer 136 euros pour les faire imprimer. « Ils ont pourtant été envoyés pendant 20 ans, par mail et gratuitement », s’insurge Georges-Louis Bouchez. De séances en séances, l’électricité grimpe.

Ce dernier décide de monter une liste électorale contre le bourgmestre. Au-delà des oppositions idéologiques, c’est un véritable choc des générations: Georges-Louis Bouchez parvient à convaincre Opaline Meunier (cdH) de le rejoindre sur la liste « Mons en Mieux ». Cette alliance de circonstance, bien que déplorée par les pontes du cdH, se veut transpartisane, au-delà du clivage gauche-droite traditionnel. Sa mission est simple: faire tomber le bourgmestre de Mons.

Loin d’être à la rue

Elio Di Rupo joue-t-il pour autant son dernier acte? Rien n’est moins sûr. D’abord parce que le Parti socialiste est loin d’être à la rue. Il joue toujours les premiers rôles au coude à coude avec le MR, tant en Wallonie qu’à Bruxelles, selon le baromètre IPSOS de décembre dernier. Dépassé par le PTB au printemps dernier dans le sud du pays, le PS semble repartir de l’avant. Une tendance confirmée dans les sondages commandés par les partis eux-mêmes.

Notons enfin qu’en octobre dernier, le PS de Mons ne s’écroulait pas, bien qu’affecté par les affaires du printemps dernier. Les élections communales ont cette particularité qu’il s’agit surtout d’une élection d’hommes et de femmes. Et à ce petit jeu là, Elio Di Rupo est encore tout puissant. Lorsque le PS de Charleroi s’effondre au profit du PTB, le PS reste en tête à Mons.

La chute reste toutefois importante. De l’ordre de 15%. C’est que les Montois déplorent aussi quelques dossiers plus locaux. On pense notamment aux retombées économiques de Mons 2015, pas à la hauteur, ou encore à l’œuvre exposée Passenger, qui s’est plusieurs fois écroulée alors qu’elle a coûté la modique somme de 400.000 euros. Sans oublier la gare gargantuesque qui n’est toujours pas terminée et dont le coût est évalué à… 272 millions d’euros. Enfin, comme dans la plupart des villes à taille moyenne, les habitants boudent le centre-ville au profit d’un centre commercial. Les commerçants grondent.

Mais Elio Di Rupo n’en démord pas. Selon lui, le PS « traverse une dynamique positive exceptionnelle » qui a suivi le fameux « Chantier des Idées » fin novembre. Il nous est permis, à tout le moins, d’en douter.

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