Deliveroo est dans le collimateur, aussi bien à Londres qu’en Belgique

Bruxelles, Gand, Liège, Anvers… Deliveroo a conquis la Belgique entière. Mais la société née à Londres en 2013 suscite bien des polémiques. En cause, le statut de ses livreurs. Ils sont désormais tous indépendants, les avantages sociaux en moins. Du coup, la justice commence à se saisir du dossier. 

Depuis fin octobre, Deliveroo a décidé de rompre sa collaboration avec la SMart. 90% des livreurs qui travaillaient avec un statut de salarié, se retrouvent indépendants. Une demande de la part des coursiers si on en croit Deliveroo. Ce statut leur apporterait une plus grande flexibilité en plus d’être mieux rémunérés. En effet, la rémunération est désormais payée à la course et non plus à l’heure. En gros, ils toucheront 7,25€ par livraison pour les employés indépendants et 5€ pour les étudiants. Donc, « pour une moyenne de 2,2 livraisons par heure, ils toucheront jusqu’à 16 et 11 euros de l’heure au lieu de 9,31 euros selon l’ancienne rémunération », assure Deliveroo.

La plateforme ajoute également que « les coursiers pourront également travailler avec d’autres plateformes s’ils le souhaitent et continuer à avoir la liberté de décider quand et comment ils travaillent. » Un travail en soirée et les week-end, privilégié par certains livreurs, sont en effet mieux rémunérer.

Hausse du salaire, baisse de la protection sociale

Le souci, c’est que ce statut d’indépendant s’accompagne nécessairement d’une perte des avantages sociaux. Quid en cas d’accident? Quid en cas d’hospitalisation? Et quid du matériel? Tout cela est à la charge du coursier.

En fait, c’est surtout un avantage financier pour Deliveroo qui ne doit plus que se préoccuper de la rémunération brute. Pour les indépendants par contre, l’avantage financier n’est pas aussi clair. Outre la perte de sa protection sociale, il faut savoir que la Belgique est un des pays d’Europe qui taxe le plus le travail des indépendants.

Et puis même au niveau des courses, tout le monde ne profite pas de la même manière du changement de tarification. Comme nous l’expliquait une source anonyme en interne: « Tout dépend de la zone géographique et du jour de livraison: un coursier qui travaille la semaine dans une commune peu peuplée bénéficiera d’une moins bonne rémunération que s’il était payé à l’heure. »

Quand la justice s’en mêle

Du coup, après le monde politique, c’est au tour de la justice commence à se saisir du dossier. On apprend ce lundi dans le Standaard qu’un juge du travail va examiner le dossier: « Nous avons déjà dressé des PV dans le passé, car certains travailleurs semblaient ne pas être enregistrés au sein de la sécurité sociale. De plus, en collaboration avec l’inspection sociale, nous avons prévu de nouveaux contrôles sur les conditions de travail », a déclaré Danny Meirsschaut.

Il poursuit: « Nous parlons ici d’un nouveau mode de travail, moderne voire ‘hype’. Nous voulons donc le confronter avec les règles en vigueur, surtout depuis que la société a ajusté son système de travail ». Pour cela, le juge compte s’adresser directement aux coursiers.

Ce nouveau statut et le changement du mode de rémunération ont fait beaucoup de bruit en Europe. Aussi bien en France qu’aux Pays-Bas. Même en Angleterre, où se trouve la maison mère, on commence à s’inquiéter du sort des travailleurs.

Certains parlementaires ont proposé un projet de loi « visant à combler les lacunes qui permettent aux entreprises d’utiliser le faux statut de travailleur indépendant ». Le député qui porte le projet de loi, Frank Field, n’y est pas allé de main morte: « Il est temps de combler les lacunes qui permettent aux entreprises irresponsables de sous-payer les travailleurs, d’éviter les impôts et de profiter gratuitement de notre système de protection sociale. »

Une victoire pour Deliveroo

Uber et Deliveroo ont explicitement été cités. Cela n’empêche pas toutefois Deliveroo d’avoir eu gain de cause dans une autre affaire. Un juge du Comité central d’arbitrage a considéré que les livreurs n’étaient de facto pas des salariés, contrairement à ce que demandait l’IWGB, l’Union des travailleurs indépendants de Grande-Bretagne. Cette dernière avait déposé plainte après que Deliveroo ne l’ait pas reconnue comme représentative des coursiers. En conséquence, les livreurs devront assumer pleinement leur statut d’indépendant.

Cette décision a bien sûr réjoui l’entreprise de livraison qui a subtilement fait tomber la plainte. En effet, en donnant la possibilité, quelques semaines avant l’audience, aux livreurs de travailler pour d’autres plateformes, Deliveroo rompt le lien avec ses travailleurs sur base d’un modèle salarial. On notera toutefois que le tribunal britannique a également fait mention d’une « préoccupation » chez les travailleurs « sur la nature précaire de leur travail ». Ceci n’a pas empêché la cour d’appel de Paris de donner raison à Deliveroo dans une affaire similaire, a fait savoir Le Figaro.

Au niveau belge, pas encore de procès, mais une manifestation des coursiers qui est prévue le 24 novembre. Elle visera à dénoncer la dégradation des conditions de travail.

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