Comment le plan de sécurité de la N-VA sert de parfait écran de fumée pour le gouvernement

Le gouvernement travaille dur pour assurer l’agenda socio-économique pour les 2,5 prochaines années. Le budget est sur la table ainsi que la réforme sur l’impôt des sociétés. Toutes les discussions sur le « Niveau V », le plan de sécurité de la N-VA, ne sont finalement que marginales: les différences fondamentales que l’on peut observer n’en sont finalement peut-être pas. Ce débat est avant tout symbolique et attire toute l’attention sur lui.

Le weekend dernier, tout le débat politique a tourné autour du plan de sécurité de la N-VA, validé par les instances du parti ce samedi.

Ce plan, baptisé « Niveau V« , consiste en cinq propositions pour renforcer la sécurité dans notre pays face au terrorisme. Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un « état d’urgence », lequel pourrait être décrété par le Conseil de sécurité national lorsque le niveau de la menace atteint quatre, soit le niveau le plus élevé.

Si l’état d’urgence existe théoriquement en Belgique, le parti de Bart De Wever veut lui donner un cadre juridique. Comment? Suite à la proposition du Conseil de sécurité, le Parlement serait amené à le valider dans les cinq jours pour une période de trois mois. Dans les grandes lignes, cet état d’urgence devrait permettre aux autorités communales d’interdire toute réunion, de signifier des assignations à résidence et d’interdire toute action de propagande. Mais sa mise en place nécessiterait un changement de la Constitution, ce qui refroidit pas mal de partis.

Quelques protestations…

Le débat a en tout cas été lancé par le parti nationaliste via la presse. Les idées avancées ont aussitôt été repoussées par des membres même de la N-VA. Une première pour le parti de Bart De Wever, qui à cet égard, ressemble de plus en plus aux partis traditionnels.

Mais un plan a finalement accouché de toutes ces idées. Et les critiques, externes cette fois, ne se sont pas faites attendre non plus. Outre le pouvoir judiciaire, c’est au sein même de la coalition fédérale, que les premières critiques sont tombées. Kris Peeters (CD&V) s’est montré immédiatement méfiant tandis que Gwendolyn Rutten (Open VLD) a rappelé ce dimanche l’importance des « frontières de notre Etat de droit » qui doivent demeurer « claires ». Mais déjà ce matin, la présidente des libéraux flamands se voulait plus nuancée: « C’est bien d’avoir un débat dans un dossier aussi crucial ».

Dans l’opposition, on fustige surtout les mesures de détentions préventives en cas de menace sérieuse sur l’ordre ou la sécurité public. Dans cet optique, le contrôle judiciaire ne se ferait qu’a posteriori par un juge et ça pose problème à certains politiciens plus ancrés à gauche. Sur Twitter, le coprésident d’Ecolo, Patrick Dupriez, a estimé que « le projet électoraliste de la N-VA (c’est) juste une promesse de sécurité (mais) moins de liberté et de fraternité ».

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Rien de neuf

Les idées contenues dans ce plan de sécurité ne sont pas nouvelles, et finalement pas si spectaculaires. Mais la symbolique de ce dossier ne peut être sous-estimée. La N-VA veut s’affirmer comme étant le parti de la loi et de l’ordre. Il est donc crucial pour Bart De Wever & co de s’engager sur ces questions. Et de ne pas laisser au Vlaams Belang le soin d’en profiter. La N-VA veut avoir une approche « stricte » face au terrorisme, c’est déterminant pour sa stratégie électorale.

De plus, le MR, son partenaire dans la majorité gouvernementale, a aussi décidé de cerner ce problème de la sécurité du côté francophone. Le Premier ministre Charles Michel (MR) veut également jeter les bases d’une sécurité renforcée. Le chef du gouvernement s’est dit ouvert à ce que son équipe examine « toute proposition supplémentaire argumentée soumise par les ministres de la Justice et de l’Intérieur, en faveur de plus de sécurité et moyennant le respect de l’État de droit ». Pour la N-VA, il s’agit finalement plus d’une opération de relation publique commode que d’un affrontement politique avec ses partenaires.

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En attendant…

Comme vu plus haut, la N-VA veut renforcer le pouvoir des bourgmestres en leur donnant davantage de ressources et en leur permettant de détecter les potentiels terroristes. Le parti se base pour cela sur l’expérience de Bart De Wever à la tête d’Anvers: les autorités locales savent qui sont les personnes en lien avec la Syrie, mais elles sont relativement impuissantes jusqu’à ce qu’une attaque soit commise. Le parti nationaliste veut changer ça et donner plus de prérogatives aux gens du terrain.

En attendant, ce débat sur la sécurité occulte la principale préoccupation du gouvernement fédéral: trouver 2,4 milliards pour boucler le budget. Un autre sujet sur lequel le gouvernement doit apporter des précisons, c’est l’impôt sur les sociétés: le but de l’opération consiste à baisser cet impôt de 34% à 20% d’ici 2019. Le souci de cette réforme, c’est que ce manque à gagner pour l’Etat doit être récupéré ailleurs. Le tout est de savoir si cette réduction d’impôt qui bénéficiera à certains, n’affectera pas d’autres secteurs.

Le débat économique reste le plus important chez nous et ce plan sur la sécurité est finalement une bonne nouvelle pour Charles Michel, ça détourne l’attention des vrais enjeux.

Sources: La Libre et Le Soir

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