C’est prouvé: plus on est riche, plus on fraude le fisc

Les ménages les plus riches de Scandinavie (0,01%) échappent à environ 25% des impôts réels en dissimulant des actifs et des revenus d’investissement à l’étranger. Pourquoi? Parce qu’ils le peuvent, expliquent des professeurs d’économie. Un chiffre qui peut s’appliquer au reste du monde.

Qui pratique l’évasion fiscale? Qui réalise des montages financiers afin de payer moins d’impôts dans son pays? Pourquoi et comme le font-ils? Ce sont les questions que se sont posés Annette Alstadsæter, Niels Johannesen et Gabriel Zucman, deux professeurs d’économie et un assistant en économie.

Leur étude s’est penchée sur les registres publics de taxation dans les pays scandinaves mais ces registres n’en révélaient pas suffisamment. Ils ont donc été fouiller dans les récentes affaires d’évasion fiscale mises en lumière par des consortiums de journalistes (SwissLeaks, LuxLeaks, Panama Papers, ChinaLeaks…) et voici leurs conclusions.

Plus les individus approchent de l’extrême richesse, plus ils auront tendance à fuir les impôts de leur propre pays au travers de comptes et de sociétés offshores. « Nous avons constaté que plus vous êtes riche, plus vous risquez de cacher des biens », écrivent les professeurs. Cette portion de riche dont il est question concerne… 0,1% de la population. Parfois moins.

0.01% détiennent 50% des actifs

Les économistes se sont d’abord penchés sur les grosses fortunes qui avaient pratiqué l’évasion fiscale par le biais de la banque suisse HSBC, le fameaux SwissLeaks. Ils ont découvert que ces dernières planquaient jusqu’à 40% de leur avoirs réels avec cette méthode. Et même si HSBC comptait des dizaines de milliers de clients, la majeur partie de la richesse gardée par la banque suisse venait de ces quelques comptes extrêmement riches.

Les profs ont ensuite appliqué la même analyse aux autres affaires (Panama Papers et consorts) et leurs résultats ont été les mêmes. « Dans tous les cas, la richesse offshore apparaît comme extrêmement concentrée au sommet de la répartition des richesses: selon nos estimations, 50% des actifs offshore appartiennent aux ménages les plus riches (0,01%) et environ 80% aux autres riches (0,1%) », ont-ils observé.

Dans ce cadre bancaire, on voit que la polarisation entre les très très riches et les gens « normaux » est extrêmement marquée. On parle souvent des fameux 1% (qui ne sont en fait que 42 individus sur 7,5 milliards d’habitants) qui détiennent 80% des richesses mondiales. Cette équivalence se retrouve dans l’évasion fiscale: 80% de la richesse offshore appartient à 0,1% des clients.

epa

Ratio de fraude fiscale par groupe de richesse

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On voit sur ce tableau que les 0,01% les plus riches (P99,99-P100) réussissent à ne pas payer de 25 à 30% de ce qu’ils doivent à l’état grâce à des montages financiers. Chez le reste de la population, la part d’évasion fiscale n’atteint que 3% de leur imposition réelle.

Pourquoi? Parce qu’ils le peuvent

Pratiquer l’évasion fiscale n’est pas à la portée de tout le monde. Cette « industrie » ne s’intéresse généralement qu’aux très riches, ceux qui ont plus de 15 millions d’euros à investir « car le fait de servir trop de fraudeurs augmenterait le risque que des banques et des cabinets d’avocats découvrent qu’ils contreviennent à la loi ».

Les personnes modérément riches, celles qui n’appartiennent pas à ces 0,1%, n’ont pas accès à ces services de fraudes et sont donc moins amenées à échapper à l’impôt. Et pour le reste, cette majorité de la population qui ne gagne que des bas salaires et touche des petites retraites, leur fortune ne vaut pas la peine d’être dissimulée aux administrations fiscales. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Étude scandinave

L’étude a été réalisée sur des comptes scandinaves. Elle n’a pas prétention à représenter le reste du monde mais elle donne un bon indice sachant que la Norvège, la Suède et le Danemark sont parmi les pays avec la fiscalité la plus lourde de tous les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Ces pays sont aussi connus pour être ceux où l’on pratique le moins d’évasion fiscale. Comme l’affirment les auteurs de l’étude, « l’évasion fiscale chez les riches pourrait même être encore plus élevée dans les autres économies développées ».

L’un des problèmes de l’évasion fiscale est qu’il fausse les calculs réalisés pour démontrer les écarts de richesses d’un pays. En Norvège, par exemple, la part de richesse des 0,01% les plus élevés augmente d’environ 25% lorsque l’on comptabilise les actifs offshore cachés. 25% de richesses qui pourraient être réinvesties dans l’économie nationale…

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