La Commission européenne a-t-elle bel et bien menacé la Wallonie lors des négociations sur le CETA? Le président du cdH, Benoît Lutgen, l’a affirmé mais le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, l’a démenti. Les deux se sont échangés des mots doux tout le week-end du coup.
Tous deux viennent du Luxembourg, l’un de la province belge du Luxembourg, l’autre du Grand-Duché. Tous les deux sont des démocrates, chrétien ou du centre humaniste, mais de la même famille politique européenne, le Parti Populaire Européen. Et tous deux ont des caractères forts: ni l’un ni l’autre n’a sa langue en poche.
Dans les négociations sur le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, ils sont entrés en collision frontale. Jean-Claude Juncker, à la tête de la Commission européenne, a essayé de forcer le deal et a dû aller jusqu’à se mettre à table avec la Wallonie. Et c’est plutôt exceptionnel: d’habitude, la Commission européenne ne s’aventure pas jusqu’aux entités fédérées, jusqu’à la Région wallonne par exemple. Pour l’Europe, le point de contact, c’est la Belgique.
Alors que tous les détails de l’accord étaient fin prêts, c’est Benoît Lutgen (cdH) qui a tiré la sonnette d’alarme. Il a ralenti le deal d’une journée de plus parce qu’il a refusé, le soir avant, d’emboîter le pas à l’accord. Il est venu demander tout d’un coup des garanties pour le monde agricole belge. Avec cette manœuvre, il tentait de se profiler sur ce dossier CETA, jusqu’alors une spécialité plutôt de Paul Magnette (PS). Finalement, toutes les parties impliquées n’ont que modérément apprécié.
« J’explique le système institutionnel belge aux Belges »
Benoît Lutgen en avait fait une belle: il avait parlé de comportements de « délinquant politique » de l’Union européenne, dans le cadre du CETA, lors d’une interview.
Là-dessus, Jean-Claude Juncker s’est emballé: à la conférence de presse après la signature du traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne: « Jamais, au grand jamais, dans la bouche de nos interlocuteurs, nous n’avons menacé la Région wallonne. Qu’on cesse de dire, et je le dis à l’intention du cdH et de son président, qu’on cesse de dire que la Commission a menacé de conséquences désastreuses pour la Wallonie. Nous étions engagés aux côtés de la Wallonie, afin que toutes ses incertitudes disparaissent. J’invite la Belgique à réfléchir à son fonctionnement institutionnel quant à ses relations internationale a lancé Juncker.
Donald Tusk, le président du Conseil européen, a vu venir l’affaire, vu le caractère de Juncker: « Calm down », « calme-toi un peu », lui a-t-il soufflé. Juncker avait répliqué: « Je ne suis pas nerveux. Je suis en train d’expliquer le système institutionnel belge aux Belges. »
« On nous a fait comprendre qu’il y aurait des pressions pour la Wallonie »
Là-dessus, Lutgen est allé jusqu’à la RTBF et RTL pour répondre à Juncker. Et là, sa réponse était un peu plus vague: « Je ne visais pas Jean-Claude Juncker en particulier quand je disais qu’il y avait eu des pressions, mais oui, il y en a eu. Il y a eu des insinuations, on nous a fait comprendre qu’il y aurait des conséquences pour la Wallonie ».
Lutgen a encore tapé sur Juncker qui se disait expliquer la Belgique aux Belges: « Je pense qu’il n’a pas à tenir ces propos-là. » « Et Lutgen est aussi revenu sur les propos de Günther Oettinger, le Commissaire européen à l’Économie digitale, qui parlait de la Wallonie comme d’une micro-région dirigée par des communistes: « Ce n’est pas acceptable. »