Alexandre Hervaud, licencié de Libération, attaque les « fake news et le mauvais journalisme » autour de la Ligue du Lol

Trois mois après la révélation de la Ligue du LOL, le débat revient sur le tapis quand Alexandre Hervaud, aujourd’hui licencié de Libération, décide de mettre en cause le traitement médiatique de l’affaire. 

C’était en février. Un article de Checknews ébranlait la sphère médiatique française, avec la révélation de l’existence d’un groupe facebook secret: la Ligue du Lol. Constitué de journalistes et personnes gravitant autour de la sphère médiatique, il aurait encouragé le harcèlement de féministes, souvent journalistes elles-mêmes, sur Twitter. En quelques jours, les informations s’accumulaient: Vincent Glad, collaborateur pour Libération, l’a créé en 2009. Parmi les membres, on retrouve toute une bande de journalistes et chroniqueurs, sortis de Slate, Libération et d’autres médias web considérés comme progressistes, voire féministes.

Les témoignages, eux aussi, s’accumulent sur les réseaux sociaux: photomontages à caractère pornographique, intimidation physique et harcèlement teintés de racisme et sexisme envers les victimes de la Ligue du Lol. Cette Ligue, présentée comme un « boy’s club » dans son traitement médiatique, est aujourd’hui remise en question par l’un de ses membres, avec pour biais une sombre histoire de date et une absence de « preuves réelles ». Alexandre Hervaud, licencié de Libération depuis mardi, remet en cause les « fake news et le mauvais journalisme » autour de la Ligue du LOL.

« La parole des accusés a été autant fact-checkée que celle des accusateurs, à savoir pas du tout. »

Dans un fil Twitter ainsi qu’un post medium, le journaliste, qui a fait l’objet d’une « enquête approfondie » de la part de Libération, au même titre que Vincent Glad, attaque le traitement médiatique de l’affaire. Sa défense se résume en trois points: premièrement, les groupes Facebook n’auraient existé qu’à partir de fin 2010, alors que Vincent Glad a affirmé avoir créé le groupe en 2009. Ensuite, aucun des témoignages n’a été fact-checké. Enfin, aucun screenshot ou archive venant de ce groupe n’existe, ce qui consiste pour lui en une absence de preuves.

Il conclut en affirmant ne pas « nier des abus inacceptables subis par plusieurs internautes », mais demande un « recul honnête, une contre-enquête », sur la « panique morale » autour de la Ligue Du LOL ».

Les groupes Facebook existaient-ils en 2009?

Pour répondre à cette question, il faut se replonger dans l’Internet d’il y a dix ans. Ou plutôt, dans les réponses aux tweets d’Alexandre Hervaud. Suite à son thread, beaucoup d’internautes ont réagi et se sont lancés dans une entreprise de fact-checking. Ainsi, un utilisateur note que oui, si Facebook a effectivement créé une mise à jour des groupes en 2010, il existait déjà la fonctionnalité des groupes privés en 2009.

Outre cet article de Mashable, on peut également retrouver un article de blog de Dave Taylor, qui roule sa bosse sur Internet depuis plus de dix ans à coups de startup, expliquant comment créer un groupe Facebook privé/secret. Les accusations de Hervaud de manque de rigueur de la part de la sphère médiatique tombent donc à l’eau à ce niveau là.

Les témoignages des victimes sont-ils crédibles?

La parole des victimes et son respect, versus la présomption d’innocence, c’est en général le débat lancé dès qu’un scandale sexiste ou raciste se dévoile. La libération de la parole peut prendre du temps, et effectivement, ce temps empêche parfois de pouvoir amener d’autres preuves que son témoignage sur la table. Tweets effacés, groupe supprimé, etc.

Cependant, les aveux des membres de la Ligue du Lol, qui tour à tour, sont venus s’excuser dans de longs messages sur Twitter, avec parfois l’une ou l’autre tentative de justification, renforcent la parole des victimes. On notera la confirmation de David Doucet, qui a avoué avoir effectué deux canulars téléphoniques, dont un vis à vis de Florence Porcel, qui avait témoigné en compagnie de Léa Lejeune pour Brut.

Même ceux qui affirment n’avoir jamais harcelé témoignent d’une ambiance de « bitchage privé », comme le conte Sylvain Paley, qui a fait partie du groupe, dans sa lettre d’excuse. Un « bitchage » qui a encouragé la moquerie et le harcèlement public.

De plus, le nombre de témoignages de victimes encourage leur crédibilité. Pour plus d’informations, on t’invite à lire cet article de CheckNews, ou même à écouter ces deux podcasts de Programme B (voir ci-dessous), qui traitent à la fois de la Ligue du Lol, mais aussi du fonctionnement d’un « Boy’s Club », qui ne va pas forcément « coordonner ses actions » de manière froide mais encourager un harcèlement et un engouement autour d’une moquerie par le biais de vannes, cercles fermés et de masculinité toxique.

Existe-t-il des traces « tangibles » de la Ligue du LOL?

Non. Jusque-là, aucun screenshot du groupe aujourd’hui supprimé n’a été diffusé. C’est bien là le seul point qu’on peut accorder à Alexandre Hervaud. Cependant, cela ne peut pas suffire à décrédibiliser cette affaire, ou même les sanctions qui ont été entreprises à la suite de sa révélation.

On peut cependant retrouver certains tweets visant à harceler les journalistes victimes de la Ligue du Lol, publiés principalement par les victimes (comme tu peux le voir ci-contre).

De plus, ce fonctionnement de harcèlement n’est pas un phénomène isolé. On l’a vu avec les affaires de conversations privées au sein même de rédactions comme Vice France ou le HuffPost.

Il y aura sans aucun doute, et on l’espère, une enquête avec recul sur l’affaire de la Ligue du Lol. On n’a pas fini d’entamer une réflexion sur le petit milieu fermé du journalisme au sens large, de tirer des conclusions sur ces phénomènes généralisés de harcèlement au sein ou en dehors des rédactions. Ne reste plus qu’à savoir si cette fameuse enquête ira dans le sens d’Alexandre Hervaud ou non.

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