Alerte idée foireuse: les « constatateurs d’incivilités » de Carlo Di Antonio (cdH) sont la pire des solutions

Ce mardi, le ministre Carlo Di Antonio (cdH) a présenté un plan plutôt bancal. Il veut utiliser les citoyens pour dénoncer les incivilités. Une pratique déjà courante dans les faits. Mais c’est en fait la pire des solutions, car cela installe un climat de méfiance et de discrimination entre les citoyens. Loin du respect mutuel. Soit à l’exact opposé du projet de départ.

Comme toutes les fausses bonnes idées, ça part d’une bonne intention. Le ministre wallon de l’Environnement Carlo Di Antonio (cdH) veut faire appel aux citoyens pour constater des petites incivilités environnementales.

« Il s’agira de volontaires qui pourront bosser quelques heures par semaine après avoir suivi une petite formation et un coaching spécifique », explique le ministre. Une sorte de projet grandeur nature après les tests des « ambassadeurs de la propreté » dans sa commune de Dour.

Source de tensions

En route vers une société de la délation, un retour des miliciens et du couvre-feu? Sans verser dans la caricature, on peut déjà affirmer qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée. Car ce système est basé sur la méfiance de son voisin, la confusion des rôles et il sera une source inévitable de tensions entre citoyens.

Mais le ministre Di Antonio s’attendait bien sûr à ce genre de critiques. Il avait déjà préparé son argumentation: « À tout moment, on peut retirer ce statut d’ »assistant constatateur ». De plus, si ce dernier peut dresser un procès-verbal, il ne pourra le faire seul: « Ce n’est jamais lui qui le signe. Ce sera le rôle « d’un constatateur principal ». L’amende est, elle, délivrée par un « sanctionnateur ». Le ministre est confiant: « Toutes les précautions sont prises pour avoir des gens raisonnables », explique-t-il.

Dans la pratique, ces groupes qui dénoncent les incivilités existent déjà. Chaque ville ou presque a sa page Facebook « Incivilités ». Infractions de la route, déchets, soupçons… les citoyens épient, se méfient et constatent les incivilités dans leur ville. C’est le cas par exemple à Nivelles, à Mons ou encore à Waterloo. La bonne idée aurait été d’encadrer ce genre de groupes plutôt que d’institutionnaliser la fonction.

Même au sein du MR, l’idée est contestée: « Ce n’est pas exempt de risques », met en garde Olivier Maroy (MR). Du côté d’Ecolo, Phillipe Henry estime « ne pas avoir besoin de cette Wallonie-là dans un contexte poujadiste ».

Jeune vs vieux?

Ne tournons pas autour du pot: ces futurs constatateurs, déjà actifs dans les différents groupes Facebook, sont en général des personnes retraitées. Le ministre de l’Environnement le reconnaît lui-même: « Les demandes les plus fréquentes viennent des pensionnés ». Cette institutionnalisation du rôle de constatateur voulue par le ministre Di Antonio ne pourra mener qu’à une société divisée, entre les soi-disant vertueux et les mauvais citoyens, entre les vieux et les jeunes aussi.

Autre preuve que ce phénomène existe bien chez nous: l’application « Fix my street » – oui, papy et mamy ont un smartphone – permet aux citoyens de prendre des photos de dépôts clandestins, constate pour Le Soir le sociologue de l’UCL Mathieu Berger. Une application promue par les pouvoirs publics qui plus est.

Mais pour quelle efficacité? Des études montrent que la « surveillance de voisinage » mène à un paradoxe: les signalements sont plus nombreux dans les quartiers où il y a peu de problèmes. Cela génère « des dérives en termes de fermeture de ces quartiers à d’autres populations », s’inquiète Mathieu Berger. Comprendre: tout ce qui est jeune et/ou basané, il faut s’en méfier. Si une saine surveillance entre voisins proches est conseillée en cas de départ en vacances, constater des incivilités c’est aller un pas trop loin, voire deux.

Tout le problème est là. Si l’idée de départ peut paraître noble, dans la pratique, elle provoque les sentiments les plus bas: racisme, discrimination et méfiance d’autrui. Ce n’est pas la société dans laquelle nous aspirons vivre. Ce n’est pas toujours populaire mais on assume.

Manque de moyens

À l’image de la N-VA qui propose des « policiers volontaires » pour épauler les professionnels, le ministre Di Antonio détourne l’attention. Il s’agira en effet d’une main-d’œuvre pas chère pour renforcer les forces de sécurité. Une réponse évasive aux demandes insistantes de la police, d’année en année, pour augmenter son personnel de terrain. Un cache-sexe pour éviter d’affronter les problèmes structurels.

Chacun son rôle. Chacun son métier. Le risque de dérives nous paraît beaucoup trop important. Encore une fois, derrière ce désir de vivre ensemble dans le respect, on installe un climat de suspicion et de méfiance, à l’exact opposé du projet de départ.

Pour nous, c’est non Monsieur Di Antonio.

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