Comment une vidéo montrant 50 personnes se faire tuer froidement a pu être diffusée en direct pendant 17 minutes sur Facebook sans être interrompue? Sévèrement critiquée et même accusé de complicité, la firme américaine a décidé d’expliquer pourquoi la vidéo du massacre de Christchurch a pu rester autant de temps en ligne sur sa plateforme.
Vendredi 15 mars, la Nouvelle-Zélande est frappée par l’horreur. Un terroriste australien tue froidement 50 femmes, hommes et enfants dans deux mosquées de la ville de Christchurch. Il fait également de nombreux blessés. Pour donner plus de résonance à son acte haineux, l’auteur du massacre en fait un Facebook Live: il filme la scène qui est diffusée en direct sur Facebook.
Ce stream aura duré 17 minutes. 17 minutes durant lesquelles on le voit conduire, écouter de la musique, choisir ses armes, approcher une mosquée, être accueilli par un homme qui perdra la vie, tirer à bout portant sur les individus en prière, recharger son arme et revenir à la charge… Bref, 17 minutes d’images d’une violence insoutenable.
« Prenez vos responsabilités »
Cette vidéo s’est propagée sur le web plus rapidement que les plateformes ne pouvaient l’effacer. YouTube, Twitter, Facebook, LiveLeak et d’autres hébergeurs ont tenté de supprimer les copies de cette capsule mais elle ne cessait d’être dupliquée puis remise en ligne par de nouveaux comptes. La propagation de cette vidéo a généré une quantité massive de critiques.
« Nous ne pouvons pas simplement rester les bras croisés et accepter que ces plateformes existent et que ce qui y est dit ne relève pas de leur responsabilité », a déclaré Jacinda Ardern, la Première ministre néo-zélandaise. « Ils sont l’éditeur. Pas seulement le facteur. Il ne peut y avoir de cas de profit sans responsabilité. »
Le Premier ministre australien Scott Morrison a accusé les réseaux sociaux de ne pas en faire assez. « Je dois malheureusement dire que l’aptitude réelle à aider du côté de ces entreprises technologiques est très limitée ». « Prenez un peu vos responsabilités. Trop c’est trop », a ajouté le ministre britannique de l’Intérieur Sajid Javid.
Facebook se défend
Les critiques étaient d’autant plus vive que Facebook est connue pour supprimer intempestivement des contenus nettement moins choquant. Dans un long communiqué, la firme de Marc Zuckerberg a expliqué comment la vidéo a pu être diffusée en toute impunité.
« La vidéo a été visionnée moins de 200 fois au cours de la diffusion en direct. Aucun utilisateur n’a signalé la vidéo lors de la diffusion en direct. En incluant les vues pendant la diffusion en direct, la vidéo a été visionnée environ 4000 fois au total avant d’être retirée de Facebook. »
Le premier signalement de « la vidéo d’origine est arrivé 29 minutes après que la vidéo ait été lancée et 12 minutes après la fin de la diffusion en direct. Avant que nous ayons été alertés de l’existence la vidéo, un utilisateur sur 8chan a posté un lien vers une copie de la vidéo sur un site de partage de fichiers. »
« Nous avons désigné les deux fusillades comme des attaques terroristes, ce qui signifie que tout éloge, soutien et représentation des événements enfreint les normes de notre communauté et n’est pas autorisé sur Facebook. Nous avons supprimé les comptes personnels du suspect identifié de Facebook et Instagram, et nous identifions et supprimons activement tous les comptes imposteurs qui font surface. »
1,5 millions de copies
La réalité est que le réseau s’est heurté à une armée d’internautes à la morale douteuse. Pendant que Facebook supprimait les vidéos, d’autres réémergeaient plus loin. L’entreprise a dû adapter son système de détection et de suppression de contenus.
« Au cours des premières 24 heures, nous avons retiré environ 1,5 million de vidéos de l’attaque dans le monde. Plus de 1,2 million de ces vidéos ont été bloquées lors du téléchargement et n’ont donc pas pu être visionnées sur nos services », poursuit la firme américaine.
« Nous avons supprimé la vidéo Facebook Live d’origine et l’avons hachée de sorte que les autres partages visuellement similaires à cette vidéo soient ensuite détectés et automatiquement supprimés de Facebook et Instagram. »
« Certaines variantes telles que les captures d’écran étaient plus difficiles à détecter. Nous avons donc étendu notre gamme de systèmes à d’autres systèmes de détection, notamment l’utilisation de la technologie audio. »
Facebook conclut en déclarant poursuivre son combat pour empêcher la diffusion de cette vidéo. Mais il est trop tard: celle-ci a déjà été enregistrée sur des sites tierces, des disques durs privés et des espaces de stockage un peu partout sur la planète.