Face au harcèlement dans les transports à Bruxelles, le politique veut s’unir et dégage des mesures concrètes

Le harcèlement dans et aux abords des transports en commun n’est pas un phénomène nouveau. Mais devant sa recrudescence et le manque de plaintes des victimes, les pouvoirs publics veulent agir, à l’unisson, chose assez rare en politique. À partir du travail des associations, plusieurs pistes se dégagent en vue d’aboutir à un texte concret d’ici la fin de la législature.

Selon une enquête menée par Jump, 98% des femmes ont déjà été confrontées au sexisme dans l’espace public. D’après les chiffres tirés par l’application Touche Pas à Ma Pote, 36% des cas de harcèlement ont lieu dans les transports publics.

Problème: en 2016, seuls 266 cas de violence sexuelle dans les transports en commun ont été rapportés à la police fédérale pour toute la Belgique. Il ressort que 97% des femmes ne portent pas plainte. Tout le monde n’a pas le courage d’Isabel Morales Solis, cette Bruxelloise qui a partagé sa mauvaise expérience sur les réseaux sociaux dans le métro de la capitale.

C’est en partant de ce constat que des auditions ont eu lieu le lundi 4 février au Parlement bruxellois. Le secteur associatif est venu présenter, en plus d’une étude de l’ULB, une série de pistes concrètes pour lutter contre le harcèlement dans les transports publics, mais aussi aux abords: gares, stations de métro, arrêts de bus.

Plan International, Garance, TPAMP… autant d’associations venues témoigner leur expertise construite sur plusieurs années. Il ressort des auditions une volonté politique commune de lutter contre ce type de comportements.

« Cinq heures d’auditions très constructives », nous explique Magali Plovie, députée bruxelloise Ecolo. « Ma volonté est de partir de l’expertise du secteur associatif » pour dégager un texte concret, « tout en sachant ce que la Stib avait déjà mis en place ».

Ce qui a déjà été fait

Justement, la Stib a déjà pris pas mal de mesures en vue de lutter contre ces comportements agressifs. Pour un total de 417 millions de voyageurs en 2018 et quelque 2.200 arrêts qui desservent la capitale, les chiffres de la Stib montrent que 53% des usagers sont des femmes. Elles y effectuent des trajets « plus complexes et plus longs que les hommes. Et elles sont plus concernées que les hommes par les questions de civisme, de courtoisie et de sécurité », nous précise Françoise Ledune, porte-parole de la Stib, qui constate que « le harcèlement dépasse bien entendu les frontières des transports en commun pour se généraliser dans l’espace public ».

Citons la rénovation des infrastructures, la propreté ou encore l’installation de commerces pour favoriser le mouvement et donc une forme de contrôle social. La porte-parole précise qu’il existe également des bornes de contact, le numéro d’urgence de la police, sans compter les 6.000 caméras au sein des véhicules et les quelques 3.000 caméras installées dans les métros et pré-métros. La Stib a aussi renforcé la présence humaine aux abords de ses infrastructures et tente, enfin, de féminiser son personnel qui n’est formé que de 11% de femmes.

Des mesures qui vont dans le bon sens, mais qui semblent encore insuffisantes. C’est donc au politique de reprendre le dossier en main. Et d’après les discussions que l’on a pu avoir avec les différents acteurs, chacun semble vouloir tirer sur la même corde. Chose rare, il faut le préciser.

Le MR de David Weystman et le PS de Hasan Koyuncu ont chacun déposé une proposition de résolution. La volonté d’Ecolo est d’arriver à un texte commun, peu importe l’origine. Les deux députés se disent prêts à retirer leur proposition pour y arriver. Bon point.

Ce qu’il reste à faire

Si chacun fixe ses priorités, Magali Plovie (Ecolo) nous énumère les différentes mesures préconisées par l’étude de l’ULB et le secteur associatif. Tout en nous faisant remarquer que les femmes ne doivent plus « développer une stratégie de l’évitement qui limite leur liberté de mouvement, souvent sans qu’elles s’en rendent compte ». Certaines mesures, déjà prises par la Stib, doivent donc être renforcées.

  • Aménagement des stations de métro: éclairage, miroirs, stations ouvertes (ex: Bourse), éviter les grands couloirs sans mouvement.

  • Dégagement d’un budget pour une présence renforcée, 7j sur 7, 24h sur 24. La Stib nous précise toutefois que des agents sont déjà présents et qu’une présence supplémentaire n’est pas facile à mettre en place en pratique.

  • Élargissement du numéro 1707. Prévu au moment des attentats, celui-ci pourrait aussi servir à faire constater les comportements sexistes. Il faut aussi en améliorer la publicité.

  • Formation du personnel: comment réagir en cas d’incident? Mais aussi du citoyen, confronté à un comportement mais qui réagit rarement.

  • Campagne de prévention en faisant participer les hommes.

  • Collaboration plus poussée avec la police. Mais « attention au mélange des genres », précise Magali Plovie. Le but n’est pas de renforcer les contrôles d’identité, par exemple, ce qui irait au-delà du but visé.

  • Les Arrêts à la demande. Mais des précisions doivent être apportées pour les rendre efficaces: où? Qui? Quand? Pour quel type de transports? Tout doit encore être précisé.

  • L’Éducation. Dès le plus jeune âge, à l’école. Sans oublier l’exemplarité des adultes.

Le temps presse

Magali Plovie est bien sûr consciente qu’une seule mesure ne fera pas bouger les choses: « C’est un ensemble de mesures qui doivent être prises pour se montrer efficaces ». David Weytsman pointe encore une meilleure information de la loi existante en matière de harcèlement, tout comme les nécessaires sanctions qui doivent lever le sentiment d’impunité. Du côté du PS, on veut également faire participer la population via des boîtes à idées, afin de faire ressortir les problématiques de terrain.

Mais le temps presse. L’objectif est d’obtenir un texte concret avant la fin de la législature. Les auditions datent du lundi 4 février déjà, et il ne faudrait pas trop traîner avant la date butoir du 26 mai, jour des élections.

On rappelle enfin que Touche Pas à Ma Pote a lancé une application (iOS et Android) au printemps dernier pour aider les femmes à signaler les comportements répréhensibles. La Stib, en collaboration avec Plan International et Projet BruxELLES, a quant à elle lancé une campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexuel sur le réseau bruxellois jusqu’en mai 2019.

Restera à effectuer un travail d’évaluation de ces différentes mesures. Pour que les comportements sexistes cessent, tout comme les agressions. Une bonne fois pour toute.

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