100h par semaine pour développer Red Dead Redemption 2, une pratique trop répandue dans le jeu vidéo

Repoussé à de multiples reprises, Red Dead Redemption a demandé des heures et des heures de boulot pour les développeurs. L’un des patrons de Rockstar a d’ailleurs avoué que les employés avaient enchaîné plusieurs semaines de 100 heures de boulot en 2018. Une pratique habituelle chez Rockstar Games mais qui ne fait pas l’unanimité. 

Tu connais le concept du « crunch »? C’est une pratique appréciée du studio de développement Rockstar Games, le studio derrière les GTA et Red Dead Redemption. Pour faire bref, le « crunch » consiste à réaliser des dizaines d’heures supplémentaires, payées ou non, pour boucler un projet. Dans ce cas-ci, un jeu vidéo.

Si cette pratique peut s’effectuer dans n’importe quelle entreprise de n’importe quel secteur, elle semble n’exister que dans l’industrie du jeu vidéo. Beaucoup de studios de développement ont recours à ça mais c’est Rockstar qui s’est dernièrement illustré (et pas vraiment en bien) pour faire trop travailler ses développeurs. Car si travailler autant peut permettre de souder une équipe, cela peut aussi en tuer une. Et au sens propre. On peut citer l’exemple de Yoshinori Uno, un développeur de Capcom qui s’était évanoui en rentrant chez lui, complètement épuisé par le développement de Street Fighter 4.

100 heures par semaine

Dan Houser, le coprésident de Rockstar Games, s’est récemment exprimé à propos du développement chaotique et difficile de la future bombe vidéoludique Red Dead Redemption 2. Au micro de Vulture, Dan Houser a avoué que ses employés avaient du réaliser des semaines à plus de 100 heures de boulot et ce plusieurs fois sur l’année 2018. L’objectif était évidemment de finir le plus rapidement possible le jeu qui a dû être repoussé à trois reprises. On rappelle qu’à la base, le jeu devait sortir à l’automne 2018.

Il faut dire que la recherche acharnée de la perfection et le souci du détail demandent énormément d’efforts de la part des employés. Et cela ne concerne pas uniquement le jeu mais également les trailers de celui-ci. Dan Houser donne un exemple on ne peut plus parlant: « Nous en avions probablement fait 70 versions, mais les éditeurs ont pu en faire plusieurs centaines. Sam et moi faisons beaucoup de suggestions, de même que les autres membres de l’équipe. »

Habitués

Visiblement, Dan Houser ne semble pas gêné des conditions de travail que son studio impose à ses employés. Pourtant, Rockstar avait déjà créé une polémique en 2010 quand on apprenait que les employés avaient enchaîné des semaines de 60 heures (12 heures par jour) y compris le samedi. Si les développeurs se plaignaient, ils risquaient des sanctions disciplinaires. C’étaient les conjointes des employés qui avaient dénoncé ces mauvaises conditions de travail dans une lettre ouverte largement relayée. Rockstar avait à l’époque nié les faits.

Un développeur anonyme expliquait la situation au média Polygon. Selon elle, les studios exploitent la passion des développeurs: « Je suis là pour faire des jeux. Mais le truc, c’est que la passion est le levier idéal pour que les employeurs nous exploitent. Nous ferions n’importe quoi pour travailler dans les jeux vidéo et faire des jeux, et ils savent que nous sommes prêts à tout. » Ajoute à cela un marché du travail assez fermé où tout le monde se connait et on se retrouve rapidement dans une situation où l’on n’ose pas faire de vagues de peur d’être « blacklisté ».

Une pratique répandue

Étrangement, cette surcharge de travail touche quasi exclusivement l’industrie du jeu vidéo. Et à plus y réfléchir, ce n’est pas si étonnant que ça. Dans ce domaine, un seul échec commercial peut être fatal pour un studio, il y a aussi les éditeurs qui mettent la pression pour atteindre une certaine date de sortie. On peut citer l’exemple du studio Team Bondi. Un seul jeu au tableau de chasse du studio: L.A Noire, un jeu ambitieux d’enquêtes policières dans les années 40. Il aura fallu 7 ans de développement pour terminer le titre qui n’a jamais réussi à être rentable. Le seul et unique jeu du studio a signé son arrêt de mort.

De plus, lors de la sortie du jeu, plusieurs noms de développeur sont oubliés dans le générique. Les employés contactent alors un journaliste pour témoigner de leurs conditions de travail. Bref, vu les fortes chances d’échec, on dirait bien que les patrons de studios n’hésitent pas à recourir à tous les moyens pour réussir leur jeu, quitte à exploiter leurs employés en les payant une misère pour des dizaines d’heures supplémentaires.

Et le « crunch » n’est pas une pratique révolue, loin de là. En 2017, Mediapart et Canard PC dévoilaient les pratiques du studio parisien Quantic Dream (Heavy Rain, Detroit: Become Humain) et du monde du jeu vidéo en général. Face à de telles pratiques, les créateurs de jeux vidéos commencent à s’entraider, à créer des sortes de syndicats et même à créer des actions de contestation. Chez Eugen Systems par exemple, on a décidé de simplement déserter les bureaux pour travailler dans un pub. Mais ce sont des actions risquées car l’industrie du jeu vidéo est un petit microcosme en France et en Belgique, tout le monde se connait et le moindre écart peut tout simplement fermer des dizaines de portes. Mais qu’importe, les mouvements de solidarités se multiplient et s’organisent pour obtenir des conditions de travail décentes, ce qui serait le minimum pour l’industrie la plus puissante de la planète.

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