Une photo de nouilles figées soutenant une fourchette dans une stature improbable a beaucoup circulé sur Internet ces derniers jours. Elle a été prise au bord de Station Concordia, au centre de l’Antarctique, là où la température atteignait les – 50 degrés. Mais pourquoi l’ESA envoie des chercheurs au bout du monde?
Il fait si froid autour de la Station Concordia qu’il suffit à un chercheur de sortir avec un bol de nouilles et de lever sa fourchette pour que celle-ci reste figée au-dessus du bol, comme en apesanteur. L’astrobiologiste Cyprien Verseux a photographié cet instant et la photo, représentative du froid extrême dans lequel se trouvent les chercheurs, a fait halluciner de nombreux internautes.Les températures sont remontées au-dessus des -70°C, mais il fait encore un peu frais pour manger dehors…
— Cyprien Verseux (@CyprienVerseux) 1 octobre 2018
Crédits : Carmen Possnig et Cyprien Verseux, © @ESA / #PNRA / #IPEV #ConcordiaStation #Antarctique #DC14 @ItaliAntartide pic.twitter.com/Qe57XzDTV5
Concordia, un lieu extrême
La station de recherche Concordia est construite sur la glace de l’Antarctique. Elle est tellement isolée que pendant neuf mois, aucune ressource ne peut y être livrée. Les êtres vivants les plus proches se trouvent à 600 kilomètres, dans la station russe de Vostok. La température peut parfois descendre jusqu’à – 80 degrés et l’hiver est très long. « Le soleil ne se lève pas au-dessus de l’horizon pendant quatre mois », écrit l’ESA, la European Space Agency (l’Agence spatiale européenne).
Mais alors, pourquoi des humains vont-ils se terrer dans cet endroit si inhospitalier? Simplement pour s’entraîner à vivre dans les conditions isolées et extrêmes auxquelles les astronautes pourraient être confrontés sur d’autres planètes. L’ESA finance chaque année une équipe médicale qui va surveiller pendant ces longs mois d’hiver les 15 membres de l’équipe d’astronautes. C’est l’occasion pour l’ESA de tester des technologies et d’observer comment les humains se comportent dans des espaces extrêmes et confinés.
Frozen noodles for lunch, anyone? With temperatures of –60°C in #Antarctica, be mindful of how long you let your hot meal cool down! But why do we send people to live in such freezing conditions? Read about spaceflight research at Concordia station: https://t.co/nJtApW5v3x pic.twitter.com/cHXIorL4BU
— Human Spaceflight (@esaspaceflight) 1 octobre 2018
« Des nouilles congelées pour le déjeuner, ça vous tente? Avec des températures de – 60 degrés en Antarctique, faites attention au temps pendant lequel vous laissez votre repas chaud refroidir! »
Absence de cycles
Avec le soleil qui ne se lève quasiment pas, difficile de dire quand il fait jour ou nuit à Concordia. Un problème que l’on retrouve également dans l’espace. « L’absence de cycles de jour et de nuit réguliers et des habitudes de sommeil irrégulières sont des facteurs à prendre en compte à Concordia, tout comme en vol spatial », écrit l’ESA. « En l’absence de soleil, les engagements sociaux tels que le petit-déjeuner et le dîner deviennent des indicateurs importants pour savoir quand dormir et quand rester éveillé. »
Les astronautes du bout du monde s’entraînent également à respirer avec moins d’oxygène, comme pour un vol spatial. « Outre les effets de l’isolement et de la privation sensorielle, Concordia a une autre astuce dans sa manche. L’air contient moins d’oxygène qu’au niveau de la mer. L’équipage vit dans un état d’hypoxie permanent – manque d’oxygène ». Ces recherches seront utiles non seulement pour l’exploration de l’espace mais également pour trouver des remèdes permettant de soigner les personnes souffrant d’hypoxie.
Et comment on les approvisionne?
La station Concordia est située à plus de 16.000 kilomètres de Bruxelles et à plus d’un millier de kilomètres de l’océan. Pour approvisionner les chercheurs isolés pendant neuf mois, l’ESA utilise des « caravanes » sur ski, sorte d’immense train qui glisse sur la neige et la glace.
Ce raid de ravitaillement prend 10 jours pour traverser l’Antarctique. Tirés par de puissants tracteurs, ces convois transportent à chaque fois 150 tonnes de carburant, de nourriture et d’équipement. Tous ces efforts déployés par l’ESA devraient préparer les astronautes à endurer les longs vols au sein de l’ISS, la Station spatiale internationale, mais surtout les préparer à une mission: atteindre la planète Mars!