Ces dernières semaines, des rumeurs ont circulé selon lesquelles les cosmologistes seraient « en panique » parce que les premières images prises par le télescope spatial James Webb montreraient que le Big Bang n’a jamais eu lieu. Mais ces rapports sont-ils corrects ?
Selon la théorie du Big Bang, l’univers a été créé il y a environ 13,8 milliards d’années à partir d’un point extrêmement chaud de densité presque infinie. On ne sait pas encore pourquoi ni comment cela s’est produit, mais la théorie, conçue en 1931 par le prêtre et physicien belge Georges Lemaître, a résisté à l’épreuve du temps. Depuis près d’un siècle, cette théorie a été utilisée pour expliquer toute une série de phénomènes qui se produisent dans l’univers, avec un grand succès.
La plupart des cosmologistes s’accordent à dire que le Big Bang décrit ce qu’il s’est passé dans la réalité. Pourtant, tout le monde n’est pas d’accord. Ces dernières semaines, un article est paru affirmant que les premières images prises par le télescope James Webb montrent que la théorie ne serait pas correcte. Son auteur, Eric Lerner, affirme même que les images provoquent la « panique » chez les cosmologistes. Mais en regardant de plus près ce que dit le chercheur, on s’aperçoit rapidement qu’il n’y a tout simplement aucune preuve de cela. Du moins selon Don Lincoln, physicien au Fermilab, le plus grand laboratoire américain de physique des particules.
« Le Big Bang n’a pas eu lieu »
Lerner a fait ces affirmations dans un article publié le 11 août auprès de l’Institute of Art and Ideas (IAI), une organisation philosophique britannique. Dans le papier, intitulé « Le Big Bang n’a jamais eu lieu », le scientifique explique pourquoi il pense que la théorie est erronée, affirmant que les photos prises par le téléscope James Webb suscitent une grande inquiétude parmi les scientifiques.
Mais cela est trompeur, répond Lincoln dans un long article, dans lequel il écrase les idées de Lerner. S’il est du devoir des scientifiques de s’interroger constamment, de vérifier si une théorie est correcte et de tenter de la réfuter, cela ne semble pas avoir été fait dans les règles de l’art ici. Lerner se réfère ainsi à un certain nombre d’études rédigées par des cosmologistes ces dernières semaines, mais il les dénature.
Par exemple, le titre de l’article auquel il fait référence, dans lequel l’auteur est censé « paniquer », est simplement un jeu de mots autour de « Panic! at the Disco ». Une autre scientifique à laquelle Lerner fait référence aurait affirmé qu’elle ne pouvait pas dormir parce qu’elle se demandait si « tout ce [qu’elle] faisait était mal ». La scientifique en question, Allison Kirkpatrick, a déclaré à plusieurs reprises que Lerner avait mal utilisé sa déclaration et qu’elle ne parlait pas du tout du Big Bang.
Autrement dit, les scientifiques dont Lerner dit qu’ils paniquent ne paniquent pas du tout, selon Lincoln. En réalité, ce qu’il raconte est loin d’être surprenant. Ce n’est pas la première fois que Lerner affirme que le Big Bang n’a pas eu lieu. Il a même écrit un livre à ce sujet en 1991, avec presque le même titre que l’article publié chez IAI.
Dans le livre, Lerner propose une théorie alternative, dans laquelle l’univers existe de façon éternelle. Il fonde cette théorie sur les travaux du chimiste Ilya PrigoGine, lauréat du prix Nobel, dans lesquels il décrit comment l’ordre peut naître du chaos. Toutefois, cela est contraire à la deuxième loi de la thermodynamique, qui stipule qu’un système n’est en équilibre que lorsqu’il a atteint son entropie maximale.
Le livre a été rejeté par la plupart des cosmologistes et des physiciens. Lerner aurait fait un certain nombre d’erreurs cruciales dans ses interprétations, et son modèle alternatif ne serait pas stable.
Cependant, dans son dernier article, Lerner parle d’une culture de la censure. Ces dernières années surtout, la communauté scientifique ne souhaiterait plus publier d’articles indiquant que le Big Bang n’a jamais eu lieu. Il parle d’une « crise » de la cosmologie et qualifie ladite théorie « d’échec ». Lerner défendra son point de vue lors d’un débat qui se tiendra à Londres en septembre.
(OD)