Le taxi à hydrogène a le vent en poupe à Paris, mais l’industrie automobile reste sceptique

L’hydrogène est une source d’énergie qui profite d’un momentum. Mais elle est également controversée : prix élevé et pollution finalement plus élevée que ce que l’on pensait. Elle trouve de plus en plus preneur comme carburant pour véhicules, notamment pour des taxis, où l’hydrogène est vu comme une opportunité pour décarboner le secteur.

L’hydrogène a-t-il le potentiel de devenir le « carburant » du futur? De plus en plus de tests sont effectués sur des avions, de plus en plus de voitures sont immatriculées, et de plus en plus de pays annoncent des investissements importants pour devenir des leaders du marché du H2. À Paris, une société de taxis mise sur le fait que l’hydrogène soit bien le carburant du futur, et opère uniquement avec des véhicules alimentés par des piles à combustible, qui fonctionnent à l’hydrogène.

Hype est établi dans la capitale française depuis 2015. La société est en pleine expansion et est en train d’installer une station de rechargement dans la ville même. Les taxis pourront y faire le plein (d’hydrogène sous forme de gaz comprimé) en cinq minutes, et parcourir entre 500 et 700 kilomètres, rapporte Euractiv.

L’hydrogène utilisé aujourd’hui est le l’hydrogène bleu, moins cher que le vert mais plus polluant. Ce type d’hydrogène est produit via la séparation du méthane, qui doit être chauffé pour ce processus. Le CO2 émis lors de la production est censé être capté, pour être stocké ou réutilisé, mais des études montrent que ces technologies de captage retiennent moins de CO2 que ce que l’on pensait auparavant. L’hydrogène bleu est donc une ressource qui est controversée.

Mais Hype veut passer à l’hydrogène vert, explique le patron Mathieu Gardies à Euractiv. « Toutes les capacités de production dans lesquelles nous investissons sont des productions d’hydrogène vert ». Jusqu’à juin 2023, la société va commander une douzaine de stations, qui seront installées en Île-de-France et où les véhicules seront rechargés avec de l’hydrogène vert produit dans la région. En 2024, elle veut en avoir une vingtaine, qui peuvent fournir une tonne d’hydrogène par jour, ainsi que six stations de plus petite taille. Les stations ne serviront cependant pas uniquement les taxis, mais seront ouvertes à d’autres clients.

Pour rappel, l’hydrogène vert est produit via l’électrolyse de l’eau, et l’énergie utilisée pour ce faire doit être issue de sources renouvelables, comme le soleil ou le vent. Même si cette production est plus verte, une nouvelle étude montre que le transport de l’hydrogène (sous forme liquide) pollue, car de l’hydrogène est relâché dans l’atmosphère, où il contribue environ 11 fois plus au réchauffement climatique que le CO2.

Décarboner le transport

Le transport routier est une des principales sources d’émissions de gaz à effet de serre, représentant environ un tiers. Pour réduire ses émissions, la France veut donc verdir son parc automobile. Les sociétés de taxis, entre autres, qui ont plus de 100 véhicules dans leur flotte doivent remplacer 10% des véhicules par des véhicules électriques ou à faibles émissions, pour 2025, et 35% en 2029.

Les voitures à hydrogène ont donc quelque peu le vent en poupe. En 2022, Hype veut augmenter sa flotte jusqu’à 700 véhicules, avant d’en avoir 10.000 en 2024. L’Europe désire également encourager le secteur : pour 2025, elle planifie d’imposer l’installation de stations à hydrogène tous les 150 kilomètres, sur les grands axes. Pour 2040, l’UE souhaite également augmenter la production locale d’hydrogène jusqu’à 40 GW.

Ces taxis parisiens ne sont d’ailleurs pas les seuls en Europe. À Londres, une société opère 50 véhicules, et une autre en fait rouler 100 à Copenhague, entre autres. Ces véhicules profitent d’un momentum, en tout cas en termes de communication, mais est-ce que le secteur est pour autant en plein essor et la présence de taxis va-t-elle exploser? La réponse n’est pas si simple que cela.

Peu de véhicules, et prix élevé

À l’heure où tous les grands groupes automobiles sortent des véhicules électriques, et s’engagent quasi tous à abandonner la voiture thermique vers 2030-2035, la voiture à hydrogène trouve moins d’intérêt auprès des constructeurs. Seuls quelques modèles existent, comme la Toyota Mirai qui fait partie de la flotte de Hype. Quelques modèles Renault et Hyundai existent également. Quelques BMW, avec leurs stickers spécifiques, peuvent être aperçus en Belgique. Stellantis n’investit que timidement, et ne construit que 1.000 à 2.000 véhicules par an, en France, rapporte Euractiv. Si Hype veut atteindre une flotte de 10.000 voitures d’ici deux ans, la production devra sans doute être augmentée.

Les véhicules à hydrogène n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, en réalité. Ils sont pour l’heure également plus chers que les autres véhicules. L’hydrogène en lui-même reste également une ressource chère. Mais il s’agit d’une question d’offre et de demande, au final. Plus la demande augmente, plus les constructeurs sont susceptibles d’augmenter l’offre, et les prix devraient baisser. Avec la guerre en Ukraine, l’hydrogène reçoit en effet un coup de pouce, mais la situation ne va pas changer dans l’immédiat.

Le prix peut tout de même encore être un facteur d’exclusion. Au début de l’année, à Montpellier, la municipalité avait annulé une commande d’une cinquantaine de bus à hydrogène, jugeant les bus et le carburant finalement trop chers par rapport aux besoins. Les critiques avançaient également qu’il serait absurde d’utiliser de l’énergie renouvelable pour produire de l’hydrogène, pour ensuite retransformer celui-ci en électricité dans une voiture, au lieu de simplement utiliser l’électricité obtenue via l’éolien ou le solaire pour recharger les véhicules directement.

Lire aussi:

Plus
Lire plus...