Simon-Pierre Breuls, Universem: « après un temps, mes collègues se font sans cesse appeler par des recruteurs »

Trois potes aux études qui disent qu’ils vont « lancer une boîte ensemble », ça arrive. Trois potes qui s’entendent toujours bien aux dix ans de la société et qui viennent d’enregistrer une croissance à deux chiffres chaque année, c’est déjà moins courant. Apparemment, rien de magique là-derrière si ce n’est la tête froide et les idées claires sur ce qu’ils veulent et beaucoup beaucoup de travail… Mode d’emploi ci-dessous.

Fin de journée chez Universem, on y a du temps, un peu, pour les journalistes, et une place: dans une salle de réunion, derrière « la cloison qu’on a vite mise parce qu’on a dû s’agrandir ». Ça bosse dur, « 50-60 heures semaine en tout cas » dit un des fondateurs mais ça porte ses fruits: Universem est désormais numéro un du SEO en Belgique. La boîte emploie plus de vingt personnes, la moyenne d’âge: 28,5 ans.

Qu’est-ce que vous faites chez Universem?

On génère du trafic sur une application ou un site et on transforme ces visiteurs en clients. Grâce à la technologie, on veut adresser le bon message, à la bonne personne, sur le bon support, au bon moment. On veut une publicité qui soit la plus efficace possible.

Notre force, c’est de rester fidèle à notre fil rouge: le marketing digital, les données. C’est ce qui nous permet d’avoir une réelle expertise.

Universem y arrive-t-il, à cet objectif ambitieux?

Oui :-). On a fait beaucoup mieux que ce qu’on prévoyait. Chaque année, on dépasse nos objectifs: on s’était fixé 35% de croissance en 2016, on a fait 44%.

Nos clients viennent pour moitié via notre site (notre propre référencement) et, pour l’autre moitié, sur recommandation, par le bouche-à-oreille. 50% d’entre eux sont des clients BtoB, dans la banque assurance, la biotech, la pharma, le service aux entreprises, aux particuliers, le commerce, l’e-commerce, le luxe de plus en plus… 50% sont des clients BtoC.

Avec qui as-tu lancé Universem?

On a fondé Universem à trois, avec Sébastien François et Hubert de Cartier. On s’était rencontré via le Club des Étudiants Entrepreneurs de Namur.

Comment avez-vous l’idée de Universem?

On s’était inscrit à la Start Academy sans idée de projet, il nous en fallait un. Sébastien codait depuis ses 13 ans. Hubert était tourné vers l’analyse de données. Moi, avec mon oeil de marketing, je voyais des produits d’artisans sans visibilité. Du coup, on a lancé ArtiCadeau: des cadeaux, faits par des artisans, en vente en ligne. Dans ce projet, notre force, c’était d’apporter de la visibilité à ses artisans grâce à notre référencement. Et c’est à partir de là qu’on a développé Universem par la suite.

Fin 2009, 2010, on a commencé le web analytics et le SEO, les deux corps de métier à la base. J’avais des contacts avec des PME grâce à mon premier job, puis parmi les start-ups, le bouche-à-oreille a vite décollé. C’est comme ça qu’on a eu nos premiers clients, parmi les start-ups et les PME. Approcher une grosse boîte à l’époque, ce n’était pas facile. En juillet 2011, on a eu notre premier employé… En 2011 toujours, on a commencé à parler d’AdWords, en 2012, ça a été le début pour Facebook, Twitter, LinkedIn… Au milieu de tout ça, je ne me suis quand même pas payé de salaire pendant un an et demi.

Un moment dur dans la création de votre projet?

On a dû passer plus vite que prévu de ArtiCadeau à Universem: un artisan qui fabriquait des cadeaux a tout d’un coup dû stopper sa production et tout s’est effondré pour nous – en tout cas, le corps de métier de ArtiCadeau s’était effondré. Mais nous avions une autre force: notre référencement. Et on a choisi de se mettre complètement là-dedans, de développer le web analytics, le référencement SEO à 100%. On l’aurait fait à un moment ou à un autre, sans doute, mais là on a dû aller beaucoup plus vite que prévu.

Mon challenge, à ce moment-là, c’était de générer assez de contrats avant la fin de la période d’essai de Hubert, qui venait de terminer ses études et était employé chez City Group… L’idée était qu’il puisse rejoindre Universem et qu’il y ait du travail.

Au début d’Universem, mes deux associés terminaient leurs études, moi j’ai travaillé comme employé puis j’ai tout lâché pour faire Universem à 100%. Il y a eu un moment où on faisait plusieurs choses en même temps, entre le boulot, les études…

Et qu’est-ce que cela vous a apporté?

Dans le malheur que cet artisan arrête, il y a eu des retombées positives pour nous, d’une certaine façon: ça nous a obligé à aller plus vite, à nous développer plus rapidement. À ce moment-là, mon seul boulot, c’était Universem, il fallait faire ce dans quoi on était bon, et vite. Pas le choix.

Selon notre analyse, l’analyse de forces et faiblesses (SWOT), de nos compétences, qu’on avait faite à nous trois, on voyait qu’il fallait se lancer du côté du référencement, de l’analytique. On voyait que ça se développait à l’étranger, qu’il y avait peu d’experts en Belgique francophone. On avait une niche, il fallait y aller à fond.

Comment avez-vous réparti les tâches et les retours entre vous?

Sébastien s’occupe surtout du développement interne: les RH, les finances, les bureaux etc. Je m’occupe du développement externe: du marketing, du business development, des partenariats stratégiques, des ventes. Et Hubert, c’est le directeur projets, il accompagne les team leaders et les aide à viser une excellente qualité dans le service aux clients. Son dada, c’est l’analyse de données, il est plus dans la « matière » même de ce que nous faisons.

Est-ce que vous vous entendez toujours bien ensemble?

En juillet, la société va avoir 10 ans en juillet et oui, on s’entend toujours bien! On a de temps en temps des points de vue différents mais à trois, il y a chaque fois bien une majorité qui se dégage.

Aussi, on est très complémentaires. Dans une certaine mesure, c’est le spécialiste/responsable qui tranche.

Surtout, on discute beaucoup, on a la même vision du travail, de viser l’excellence, l’expertise, le service client.

Comment expliques-tu votre réussite?

On était dans les pionniers du marketing digital en Wallonie, donc on a un historique et une crédibilité énorme. On a aussi maintenant une équipe de taille, des références. On est les leaders SEO et dans le top 5 pour le web analytics en Belgique. Au niveau des campagnes, on est dans le top 10 en Belgique. En Wallonie, on est numéro un pour tout.

Une erreur?

Au tout début, il nous est arrivé d’engager quelqu’un qui ne convenait pas. Parfois, en effet, on a un doute au moment de l’entretien, mais on a besoin de quelqu’un, on engage… Et puis il se peut que la personne n’ait pas une bonne mentalité vis-à-vis des clients, qu’elle ne se développe pas malgré toutes les formations, malgré une réorientation, qu’elle freine les autres. Certes, on a le droit de faire des erreurs, c’est normal, on apprend en essayant… Mais on ne fait pas deux fois la même erreur, une fois que celle-ci a été pointée.

La leçon à en tirer?

Aujourd’hui, on engage un candidat seulement si il est excellent. Quand on a un doute, il ne faut pas engager. Et quand il faut renvoyer, et bien… Tu n’en dors pas pendant quelques jours! Puis tu communiques directement avec la personne d’abord et avec tout le monde ensuite. On essaie que la personne parte directement, parce que ce n’est pas une bonne ambiance.

À quoi est-ce que tu vois que quelqu’un est un bon fit pour votre boîte?

On veut vraiment avoir les meilleurs, et maintenant on a des « assessments » assez poussés mais on ne voit pas tout dans l’interview. C’est au travail, dans les trois, six premiers mois qu’on se rend mieux compte. On voit que certains ont le sens du business, d’autres pas. On tient beaucoup à la capacité d’apprentissage des gens, à leur capacité à agréger beaucoup d’informations: nos employés ont en moyenne 10% de leur temps en formation: à un moment on doit avoir un retour.

Maintenant, on essaie de voir vers quoi les employés veulent aller, on essaie de matcher les besoins de la boîte et les projets d’évolution des gens. Aussi, les jeunes ne comprennent pas toujours ceci: quand on rentre dans une boîte plus petite, qui grandit, comme la nôtre, il y a des responsabilités à donner, des possibilités d’évolution en interne. Les personnes plus loyales restent, elles seront récompensées.

Quelle est la prochaine étape pour une entreprise comme la vôtre?

On veut continuer à bien se développer, avoir de plus en plus de clients du côté néerlandophones. Nous avons des objectifs ambitieux mais à développer pour plus tard.

On a déjà eu des propositions de rachat, assez sérieuses, mais on veut rester indépendants, on est la seule boîte dans notre secteur indépendante en Belgique, avec les trois certifications Google. On est les plus gros dans notre spécificité.

Tant qu’il y a des challenges au niveau marketing avec les clients, qu’on peut apprendre, augmenter notre expertise, innover avec les clients… On est content! Arriver dans le top européen, au très long terme, c’est l’objectif.

Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un qui veut se lancer maintenant?

Maintenant, c’est la mode de se lancer. Niveau familial, c’est beaucoup plus facile par exemple.

Mais nous, quand on l’a fait, il y a quasi 10 ans, ce n’était pas la mode… Que quelqu’un aille dire « Papa, Maman, je me lance », il se faisait ramasser… Enfin, moi je venais d’une famille où il y avait des entrepreneurs, donc on m’a encouragé.

L’échec est aussi un peu mieux considéré aujourd’hui.

Maintenant donc, les gens disent « je vais lancer ma boîte ». Super, mais ce n’est pas avoir l’idée qui est compliqué: ce qui est compliqué, c’est l’implémentation, c’est arriver a vendre, à avoir des clients, à remettre ce qu’il faut, avoir une bonne équipe… Une bonne équipe, qui ait la gnaque, c’est essentiel: nous on est parti avec la bonne mentalité, la bonne équipe, et l’idée… On l’a changée.

Aussi, rejoindre le Réseau Entreprendre nous a beaucoup aidé: on a pu minimiser certaines erreurs, être un peu guidés et ça, c’est nécessaire: gérer une équipe, tu n’apprends pas à l’unif par exemple. Donc, quand tu apprends sur le tas, tu es content d’avoir un peu de conseils.

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