Sander Goossens, Hans Peerlinck de Endare: « Les apps ne seront bientôt plus des icônes sur ton smartphone »

Endare

Endare, c’est une boîte lancée par des étudiants et qui a très bien tourné: seize personnes, et une flopée de freelancers, travaillent désormais à offrir des solutions mobiles à Carrefour, Kinepolis etc. Tous ces employés, sauf un, ont deux points communs: ce sont des hommes, et ils ont moins de 30 ans. Et c’est leur âge qui leur donne une longueur d’avance. 

Endare? Tu n’as peut-être jamais entendu ce nom. Mais tu as peut-être déjà utilisé une de leurs créations… sans t’en douter:

L’app de Kinepolis qui permet de se trouver un match en fonction des films à voir, c’est Endare. Le système qui indique à des camionneurs quand ils doivent présenter un rapport, c’est Endare aussi. Dans la zone de Hasselt par exemple, citoyens et policiers communiquent grâce à une app d’Endare.

La particularité de ces apps qu’Endare conçoit, c’est qu’elles tournent aussi bien sur iOS qu’Android, ou que le browser d’un ordi. Apparemment, il y a de la demande. En trois ans, l’entreprise lancée par deux étudiants de Gand a quadruplé son nombre d’employés, ils sont à seize aujourd’hui. « Oui, il y a une certaine traction dans le marché », admet Sander Goossens, co-fondateur de Endare.

C’est ceci qu’Endare fait différemment des autres: « Nous ne travaillons pas sur un produit. Nous ne développons pas une app qui aille pour iOS, une pour Android, une pour un browser. Nous proposons une seule solution à nos clients qui fonctionne sur toutes ces plateformes, iOS, Android, web. Nous divisons notre coût par trois. »

En fait, les app ont fait leur apparition chez Apple, avec iOS donc. Beaucoup de développeurs sont restés bloqués dans ce paradigme et sortent une app pour iOS, et, ensuite, une autre pour Android (le système derrière Samsung ou le Pixel de Google par exemple) et encore une troisième, qui puisse s’utiliser sur ordi. Trois fois le boulot donc, à la différence donc du concept d’Endare: un software qui permet de développer une solution pour toutes les plateformes à la fois, du web à iOS à Android. C’est ce que Sander Goossens, le co-fondateur et directeur technique de Endare raconte, avec Hans Peerlinck, le directeur commercial, qui a rejoint l’aventure Endare en avril 2015, depuis leurs bureaux du MeetDistrict à Gand.

Comment t’est venue cette idée, Sander?

En 2011, j’étais encore étudiant et dans le cadre de « Durven Ondernemen » (« Oser entreprendre »), à l’Université de Gand, on avait développé une application pour tablette qui permettait d’avoir dessus tout ce qu’il fallait pour une réunion. Mais on n’est pas vraiment arrivé à la vendre. En 2012 donc on a évolué vers le développement de solutions pour des clients. C’est de là qu’Endare a grandi.

Quel est l’avantage de se lancer là-dedans si jeune, dès l’unif?

Sander Goossens: Là, j’ai 27 ans et c’est vraiment un avantage. La première app, c’était quand j’ai commencé mes études (NDLR: ingénieur civil en sciences de l’informatique, Université de Gand) en 2007. Le développement d’app, c’est vraiment une discipline très jeune. Donc là maintenant, à 27 ans, je suis une personne très expérimentée dans ce domaine-là.

Hans Peerlinck: À cet âge-là aussi, on pense différemment. On ne traîne pas un vieux bagage, on pense open source, on n’est pas formaté selon des réalités plus anciennes.

Sander et Hans, est-ce que vous vous connaissiez avant de vous retrouver aux commandes d’Endare?

Hans Peerlinck: Nous avions une relation professionnelle quand je travaillais chez Blackberry, aux ventes: Endare a développé deux applications pour notre tablette. Et j’avais bien aimé leurs connaissances techniques et leur dynamisme. C’est comme ça que nous nous sommes connus dans un premier temps. Et maintenant on travaille ensemble, avec nos 18 ans de différence.

Hans, qu’est-ce qui t’a décidé à laisser ton job dans une boîte établie pour rejoindre une boîte de jeunes?

J’aime bien, je me sens comme à la maison: j’ai aussi des petits enfants chez moi ;-).

Surtout, j’avais toujours rêvé d’être indépendant. Même quand je travaillais dans une entreprise, je voulais y travailler à la façon d’un entrepreneur. Au moment où Endare s’est présenté, j’avais 41-42 ans, c’était le bon moment pour sauter le pas: je n’avais pas de gros emprunts sur le dos, mon épouse avait un bon revenu. Mais ce n’est pas facile de sauter le pas comme ça. On est bien traité comme employé en Belgique, avec un plan de pension, une voiture de société… Mais je ne regrette pas du tout: c’est très gratifiant de voir qu’on construit un projet, qu’on donne du travail à quinze personnes, qu’on nourrit quinze familles.

Puis j’ai beaucoup d’expérience en ventes, cela donne de la crédibilité. C’est ce qui est bien chez Endare: on est pris au sérieux.

Sander, comment est-ce que tu as appris à gérer une boîte en croissance et sa bonne quinzaine d’employés?

J’ai appris sur le tas: la première année et demi (NDLR: à la fin des études), j’ai tout programmé moi-même. Mais je ne pouvais pas combiner à la fois la programmation et les toutes autres tâches qu’implique la gestion d’une boîte. Donc ces trois dernières années, je n’ai presque plus programmé moi-même, j’en fais juste encore un peu pour ne pas perdre la main. Mais j’aime aussi beaucoup toutes les autres tâches: rencontrer les clients, préparer une offre, gérer les développeurs.

Mais c’est vrai, je n’ai jamais eu de job comme employé, je n’ai jamais travaillé pour un boss.

C’est comment dans une boîte de jeunes comme la vôtre?

Endare, c’est jeune, très jeune: les gens ont 29, 27, 22, 23, 25, 26 ans… Et ce ne sont que des hommes, c’est souvent le cas des ingénieurs dans tout ce qui est software. Il n’y a pas tellement de filles qui font ça. On a notre ambiance à nous ;-).

Est-ce que vous trouvez facilement le collègue qu’il vous faut?

Hans Peerlinck: On travaille en collaboration étroite avec des universités, des établissements d’enseignement supérieur à Gand, Courtrai, Bruxelles. Et en fait ceux que nous recrutons principalement, ce sont les meilleurs de nos stagiaires.

Sander Goossens: Comme notre domaine d’activité est tellement jeune, il n’y a pas des masses de développeurs expérimentés. En plus, on développe notre propre technologie. Donc on forme les gens pendant six mois, et c’est seulement après ces six mois qu’ils sont productifs.

Qu’est-ce que vous recherchez chez un candidat?

Sander Goossens: Il faut un bagage technique et puis une certaine personnalité: on n’est pas dans une grande boîte avec des processus établis. Les gens qui rentrent ici reçoivent beaucoup de responsabilités, ils doivent pouvoir penser par eux-mêmes.

Quelle est la prochaine grande nouveauté dans votre domaine?

Hans Peerlinck & Sander : Les apps ne seront plus une icônes sur un écran de smartphone. Au lieu d’avoir l’app de Kinepolis pour réserver un film, tu auras Kinepolis comme contact sur une des messageries qui existe déjà, Facebook, WhatsApp… Et tu pourras chatter avec Kinepolis, dire que tu veux aller au cinéma, voir l’affiche que Kinepolis propose, choisir le film, réserver ton ticket. Kinepolis ne devrait plus gérer une app comme avant, les apps se déplaceraient vers le cloud plutôt que d’être sur un smartphone. Cette évolution va encore prendre quelques années mais on croit vraiment que ce sera ça, le gros changement dans notre domaine.

D’ailleurs, Skyscanner par exemple fonctionne déjà comme ça. Et Facebook va devoir s’adapter si il veut grandir. Il va devoir autoriser les développeurs à construire une app à l’intérieur du chat. Et c’est via le chat que Facebook saura ce que tu aimes comme films, plutôt que via ton wall comme maintenant.

On investit là-dedans d’ailleurs, dans des chatbots (NDLR: un chatbot est robot logiciel qui permet à par exemple un site web de discuter de manière automatisée avec un utilisateur).

Qu’est-ce qui vous fait passer des nuits blanches?

Hans Peerlinck: Ce qui nous tient éveillé la nuit, c’est de trouver l’équilibre entre la croissance et le fait de maintenir notre culture d’entreprise, entre l’innovation, sans cesse, et la stabilité financière.

Quel changement en Belgique vous permettrait de croître (encore) plus vite?

Hans Peerlinck: Le gouvernement ne nous facilite pas tant la vie que ça. Si tu commences à avoir un profit, tu dois payer dessus à l’avance. Tu dois déjà payer la TVA du trimestre à venir. Sans cela, on aurait pu aller beaucoup plus loin. Mais, du côté positif, il y a beaucoup de talents ici, les écoles sont bonnes.

Sander Goossens: On a eu de l’aide de iMinds (NDLR: organisation regroupant des universités, centres de recherche et d’entrepreneuriat numérique en Flandre) et ça nous a bien aidé à entrer en contact avec les bonnes personnes, au bon moment. Peu à peu, Gant devient un hotspot pour de l’entrepreneuriat comme le nôtre, entre autres parce qu’il y a iMinds ici, et l’université.

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