Plusieurs morts et blessés, que sont ces centres de désintoxication à Internet qui traumatisent les ados chinois? 

En Chine, quand on parle d’addiction on ne pense pas forcément aux drogues « classiques » comme l’héroïne ou l’alcool. Non là-bas, le vrai problème ce sont les jeux vidéos. Énormément d’ados (et pas que) passent leur vie devant leur écran perdant ainsi toute vie sociale. Enfin, c’est en tout cas ce que les autorités chinois prétendent. Du coup, ils ont créé des centres militaires de désintoxication il y a plusieurs années. Il y a quelques jours, un ado y est mort… 

Les centres de désintoxication aux jeux vidéos existent depuis longtemps en Chine, depuis 2004 précisément. Mais depuis quelques jours, il reviennent sur le devant de la scène. On t’explique l’histoire. Le 3 août, Liu Dongmei dépose son fils de 18 ans Li Ao dans le centre de traitement -Internet Hefei Zhengneng. Le garçon s’était désintéressé de tout, sauf d’Internet. Liu a payé 3.500 dollars (3000 euros) pour un séjour dans ce centre qui promettait de libérer son fils de son addiction. Deux jours plus tard, Li Ao était mort. Sur son corps ont été retrouvées des traces de plus de 20 blessures internes et externes.

Sa mère a témoigné pour le journal local Anhui Shangbao: « Le corps de mon fils était complètement recouvert de cicatrices, de la tête aux pieds. Quand j’ai envoyé mon fils dans ce centre il allait bien, comment a-t-il pu mourir en 48 heures? » Cet incident (re)soulève cette problématique des mauvais traitements dans ce type de centre.

La Chine pionnière

En Chine, environ 300 millions de personnes sont connectées à Internet. Parmi eux, on estime à 24 millions le nombre de cyberdépendants. C’est en 2004 que le premier centre de désintoxication moderne ouvre ses portes à Pékin. Depuis ils se sont multipliés et en 2008, la Chine devient le premier pays à considérer l’e-addiction comme « trouble clinique ». Aujourd’hui il y aurait entre 250 et 300 centres du genre dans tous le pays.

Pratiquement, un ado reste dans un de ces centres pour une durée comprise entre quatre et huit mois, cela dépend du niveau d’addiction. Là-bas, il combattra sa dépendance aux jeux vidéos, aux réseaux sociaux ou même à la pornographie. En gros, tout ce qui se trouve sur internet. Pendant plusieurs mois, l’ado suivra un sevrage intensif, complètement coupé du monde et dépourvu d’objet électronique. Un responsable d’un de ces camps a expliqué le concept pour Reuters: « Les enfants qui souffrent d’addiction à Internet ont une mauvaise condition physique. Leur obsession avec Internet a fragilisé leur santé et a fini par leur faire perdre leur capacité à vivre en société. Vivre dans un environnement militaire les rend plus disciplinés. »

Des camps plus dangereux que la maladie?

L’emploi du temps de ces ados se compose de sport, de tâches ménagères, de cours et d’un suivi psychologique. Sur le papier ça semble être une bonne méthode. Mais pour beaucoup d’ados, c’est un véritable cauchemar rythmé par les violences physiques et psychologiques. Il faut dire que suivre un entrainement militaire intensif dirigé par d’anciens officiers, ce n’est pas toujours facile à vivre. Surtout quand ça tourne à la dictature.

On compte plusieurs victimes de ce genre de camps. En 2014, une jeune fille de 19 ans perdait la vie à cause de lésions cérébrales provoquées par plusieurs coups portés par des responsables de son camp de désintox. Son erreur? Être allé à la salle de bain sans permission. Quand la mère de la jeune fille est venue voir le corps de son enfant, plusieurs pensionnaires lui ont envoyé des papiers où figuraient les numéros de téléphone de leurs parents pour qu’on les sorte de là. Un appel à l’aide déchirant.

Bejing Times

Des méthodes douteuses qui attirent

Beaucoup sont conscient de ce qui se passe dans ces centres. Pourtant les parents chinois continuent à payer des fortunes pour « soigner » leurs enfants. Selon un éditorial du Mingguang Daily, « certains parents refusent d’y voir [dans cette addiction] leur incapacité à éduquer, et préfèrent se tourner vers des tierces personnes pour résoudre le problème ». Pourtant, il est de notoriété publique que certains centres ont recours aux électrochoc pour sevrer les ados.

D’ailleurs, le ministère de la Santé chinois avait demandé en 2009 l’arrêt de ces électrochocs et des violences physiques. Visiblement, ce n’est toujours pas appliqué. Et le problème, c’est que ce soucis d’e-addiction est de plus en plus pris au sérieux par les autorités chinoises et de plus en plus de pays comme le Japon et Corée du Sud qui ont aussi ouvert des centre du même genre. C’est devenu une véritable obsession. Selon des scientifiques chinois, « L’addiction à Internet provoque des problèmes similaires à la consommation d’héroïne dans le cerveau, détruit les relations sociales et détériore le corps ». Le problème, c’est quand les remèdes détériorent aussi le corps. Pas sûr que soigner le mal par le mal soit la solution.

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