Après avoir exclu pendant des années la possibilité de faire la chasse aux abonnés qui partagent leur mot de passe, Netflix a fini par retourner sa veste, après avoir rencontré des difficultés. Depuis quelques mois, le géant du streaming a joint les paroles aux actes, lançant des essais dans une poignée de pays. Visiblement, c’est tout sauf une réussite.
Le mois dernier, Netflix a annoncé avoir perdu 200.000 abonnés au premier trimestre. Une première depuis 2011. Dans la foulée, l’entreprise a fait savoir qu’elle planchait notamment sur deux solutions pour enrayer la spirale négative dans laquelle elle est empêtrée. D’une part, l’apparition de la publicité via des offres moins chères. De l’autre, l’intensification de la chasse aux fraudeurs.
Au niveau de la répression du partage de mot de passe, Netflix a lancé une expérience pilote en mars dernier dans trois pays d’Amérique latine: le Chili, le Costa Rica et le Pérou. Mais cela ne se déroule pas comme prévu.
Aucune homogénéité
Le média Rest of the world a interrogé plus d’une douzaine d’utilisateurs péruviens de Netflix pour connaître leur ressenti vis-à-vis des sanctions imposées pour le partage de mot de passe. En théorie, ceux-ci sont autorisés à partager leur compte avec deux personnes ne faisant pas partie de leur foyer, à condition de payer un supplément de 2 dollars pour chacun d’entre eux – ce qui revient moins cher que de souscrire à un nouvel abonnement individuel. En pratique, les choses sont beaucoup moins claires.
Globalement, après deux mois, un premier constat peut être dressé: tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Certains utilisateurs indiquent qu’ils ont continué de partager leur mot de passe avec des personnes extérieures à leur foyer et qu’ils n’ont pas été inquiétés. D’autres ont dû payer le supplément. D’autres encore n’ont même pas été notifiés du changement de politique de Netflix.
En outre, il apparaît que la définition de « foyer » de Netflix n’est pas comprise de la même façon par tout le monde. Certains utilisateurs estiment que cela englobe tous les membres de leur famille proche. Alors que pour Netflix, cela ne concerne que les personnes qui vivent sous le même toit.
Même les employés ne savent pas… et fraudent
Si la situation semble chaotique auprès des utilisateurs, elle l’est tout autant chez les employés de Netflix. Interrogée par Rest of the world, une représentante du service client a confié qu’elle ne savait pas quoi répondre quand des clients lui demandaient davantage d’informations sur la nouvelle politique.
Il semble y avoir une multitude de failles dans le système. Quand un utilisateur est soupçonné de frauder – c’est-à-dire d’avoir donné son mot de passe à une personne qui ne fait pas partie de son foyer – et invité à payer le supplément, celui-ci n’a qu’à contacter le service client pour obtenir gain de cause. Ainsi, lorsqu’un utilisateur lui explique que la personne avec laquelle il partage son compte habite sous le même toit que lui mais qu’elle a regardé Netflix ailleurs, l’opératrice doit lui répondre qu’elle se renseignera davantage sur la situation… et qu’il ne devra pas payer de supplément. Un code de vérification sera envoyé à la tierce personne et l’affaire sera réglée.
De son propre aveu, l’employée de Netflix en question continue elle-même de partager son compte avec des personnes extérieures à son foyer sans être inquiétée.
Les associations de défense des consommateurs en état d’alerte
Autre épine dans le pied de Netflix: les associations de défense des consommateurs s’activent. Au Pérou, mais aussi au Chili et au Costa Rica, les deux autres pays où le géant du streaming tente d’enrayer le partage de mot de passe.
Certaines estiment que les différences de tarifs que pratique Netflix avec ses suppléments sont une pratique discriminante. Et, bien sûr, elles exigent plus de clarté de la part des entreprises vis-à-vis de la situation chaotique décrite par les utilisateurs.
Enfin, last but not least, quelques utilisateurs ont indiqué avoir mis un terme à leur abonnement suite à l’arrivée de ces suppléments pour le partage de mot de passe et se sont tournés vers les rivaux de Netflix. Ces témoignages ne se vérifient pas (encore ?) au niveau de l’évolution du nombre d’abonnés dans les trois pays concernés. Ces données vont faire l’objet de la plus grande attention dans les mois à venir. Elles sont cruciales. Car, rappelons-le, c’est bien pour gagner des abonnés que Netflix est occupé à changer sa politique.