Maman d’un petit garçon qui vient d’entrer en maternelle, je découvre le manque de moyens des écoles à Bruxelles

Comme des milliers de bambins, mon fils a fait sa rentrée en première maternelle en septembre. Et depuis, je constate avec effarement, via mon expérience et celle de gens autour de moi, le manque cruel de moyens des écoles – communales mais aussi libres – de Bruxelles. Témoignage(s).

Quand mon compagnon a trouvé une merde – oui une merde, pas une petite crotte oubliée – dans le sac de change, collée au slip de notre fils, on s’est demandé comment le prendre: était-ce une punition ou un message envoyé à nous, parents, qui galérions encore un peu avec l’acquisition de la propreté de notre fils? Je m’étais alors dit que, s’il y avait un souci avec des petits « accidents » comme on dit pudiquement, on pouvait peut-être trouver un autre moyen de communication que de laisser aux parents une crotte macérant dans un sac toute la journée en cadeau. Un mot, une rencontre… Tout, mais pas ça!

Après discussion avec l’instit’, il s’avérait que ce n’était rien de tout ça. Elle était juste seule en classe et n’avait pas eu le temps. Quand on a 25 tout petits à gérer sans aide, il est tout bonnement IMPOSSIBLE de les laisser en plan pour s’occuper d’un unique élève et pour courir aux toilettes en laissant tous les autres sans surveillance.

Non, nous ne sommes pas seuls

En racontant aux gens notre histoire de crotte, je me suis rendue compte qu’on n’était pas les seuls à avoir vécu cette petite mésaventure. Ma foi pas bien grave et qui pourrait même faire sourire, mais assez éloquente, quand on y pense. Moi qui attendais avec impatience mon premier collier de nouilles… Hop, cadeau de rentrée: un caca! J’aime mon fils mais quand même…

Bon mais, si c’était que ça… Sauf que non, c’est plein d’autres choses, et le plus préoccupant, c’est que presque à chaque fois que je parle d’un problème constaté dans notre petite école, la personne en face de moi me répond « ah oui, nous aussi dans notre école… »

État des lieux

Ce qui revient: garderies franchement pas folichonnes (pour ne pas dire carrément nulles), sanitaires difficilement accessibles et/ou délabrés, siestes peu instaurées voire supprimées (!!!), instit’ débordées car seules pour tout faire en classe, locaux vétustes – parfois carrément insalubres -, demandes incongrues aux parents pour aider à faire fonctionner l’école…

Il y a quelques semaines, paraissaient dans la presse francophone des articles sur cette école d’Anderlecht qui demande aux parents ne travaillant pas de venir chercher leurs enfants sur le temps de midi. Les parents sont donc tenus de prouver qu’ils travaillent s’ils souhaitent que leurs enfants restent à l’école. La directrice de l’école s’est justifiée en expliquant qu’ils n’avaient tout simplement ni les infrastructures, ni le personnel pour garder trop d’enfants à midi. En blaguant, on s’est dit avec une amie que si ça continuait comme ça, ils nous demanderaient à nous, parents, de participer aux factures d’électricité.

J’ai aussi reçu le témoignage d’une maman qui raconte que l’école de sa fille a eu la bonne idée de mettre les 2e maternelle à l’étage… alors qu’il n’y a pas de toilettes pour les petits à cet étage! La direction a donc demandé aux parents si ça les dérangeait que les enfants retournent sur le pot. Les enfants se font dessus souvent, évidemment, et elle récupère régulièrement sa fille les fesses sales. Et puis il y a aussi l’absence de frigos pour les boites à tartines, les récréations mélangées primaire/maternelle, les classes en sous-sol avec très peu de lumière naturelle…

Bref, la liste est longue. Et selon un membre d’association de parents d’élèves, certains de ces problèmes sont connus de longue date par les communes, notamment l’insalubrité de certains établissements, avec humidité et moisissures sur les murs où des enfants vivent 5 jours par semaine. Sympa. Je me suis alors rappelée le scandale des écoles insalubres de Marseille, en France. Le maire s’était défendu en disant qu’il s’agissait de cas isolés, et qu’on ne pouvait pas faire de quelques cas d’école (c’est le cas de le dire) une généralité. En gros, il voulait dire que OK, il y avait 3-4 écoles pourries pour des dizaines d’autres impeccables… ou presque. Je me demande si, pour Bruxelles en tout cas, une instance politique, quelle qu’elle soit, pourrait dire la même chose si scandale il y avait? S’agit-il de quelques établissements isolés ou de la majorité des établissements?

Accepter que des enfants vivent ce que nous ne tolérerions pas par nous-mêmes…

Obliger des parents à venir chercher leurs enfants à midi (pour rappel, dans la plupart des établissements, les parents PAIENT la garderie du temps de midi), ne pas avoir de temps pour nettoyer un petit qui a fait sur lui ou pour jeter une crotte, ne pas mettre tout en œuvre pour permettre à des bambins de deux-trois ans de faire la sieste sereinement, ou pire, supprimer carrément ce temps de sieste… À un moment donné, si une société décide de mettre en place l’accueil des tout petits dans les milieux scolaires, ne devrait-on pas adapter les établissements à ce tout jeune public pour l’accueillir dans des conditions correctes? Allez, au moins un minimum, on ne demande pas non plus des crèches améliorées.

Quant à ceux qui diraient (je les vois venir à dix mille): « Ouais les parents d’aujourd’hui, faut toujours que ce soit le grand luxe, de notre temps on était tous propres à deux ans, c’est pas à l’école de jouer le rôle des parents… », blablabla, j’aurais juste envie de répondre un petit passage du rapport édifiant de la FAPEO – Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel – Toilettes de l’école: « Si l’école argüe qu’elle ne peut suppléer l’éducation des parents en la matière, il va de soi qu’elle se doit de mettre en place les conditions minimales d’hygiène, d’assurer des infrastructures adéquates et d’encourager les bonnes pratiques ». Puis, à lire tout le rapport tant qu’à faire. Car, pour moi, tout est dit dans cette brillante analyse, les chiottes étant un parfait baromètre de l’état d’une école finalement. Et le rapport aborde absolument TOUS les aspects du problème: des soucis de vétusté aux manques de moyens, des lenteurs administratives au je-m’en-foutisme des pouvoirs publics, en finissant (ouf!) sur les solutions et idées pour agir… Le tout en ne perdant jamais de son spectre d’analyse l’enfant dans son intégrité, ainsi que le rôle de l’école dans la société.

Je découvre ainsi les combats d’associations de parents d’élèves, qui année après année, ne lâchent rien et continuent d’enfoncer les portes ouvertes des communes, elles-mêmes confrontées à la pression administrative. Je me demande qui, au bout du compte, se refile le bébé avec l’eau du bain.

Du personnel d’entretien et des équipes éducatives qui doivent se DÉMERDER

… Au sens figuré mais aussi au sens propre du terme, on peut le dire.

Je me souviens d’une autre discussion avec l’instit’ de notre fils lors de la toute première réunion de parents, où elle nous racontait, semi-rigolante, semi-résignée, que ça faisait DES ANNÉES que des types venaient faire un état des lieux, en vue de remettre les locaux en bon état. Ils venaient dans l’école et dans sa classe, constataient l’ampleur des travaux à effectuer, prenaient des mesures, choisissaient des échantillons, etc., puis… rien. Le bâtiment est classé, vous comprenez… tant pis si les classes tombent en ruine. Vous avez des trous dans vos murs? Accrochez les dessins des enfants là où ça ne s’effrite pas trop encore (ou carrément pour cacher les trous tiens!). On reviendra l’an prochain.

Ces problèmes plus qu’évidents de moyens ne nuisent donc pas seulement aux enfants, mais aussi au personnel scolaire tout entier. En voyant les instit’ et le personnel périscolaire (garderie, cantine…) se dépatouiller avec les moyens du bord, je me dis qu’ils/elles ont bien du mérite.

Ministre(s) de l’enseignement, si tu nous lis…

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