« Make America Straight Again »: en plein Pride Month, un mouvement homophobe qui prend de l’ampleur aux USA

Il faut croire que certains rêvent d’être victimes de discriminations. Dans la foulée du Pride Month, on avait déjà entendu parler de ceux qui fantasment une Straight Pride. C’est à présent un mouvement homophobe religieux qui veut « rendre l’Amérique hétéro à nouveau » qui provoque l’effarement dans la communauté LGBTQI+. Le tout à quelques jours de l’anniversaire de la tuerie du Pulse Nightclub.

« On va avoir des pasteurs qui ont déjà déclaré leurs positions contre les sodomites et leur saleté qu’ils ont répandue dans les maisons et familles à travers le monde. » Sourire aux lèvres, musique inspirante au piano en fond, gueule d’ange et bible à la main, le pasteur Patrick Boyle de la Revival Baptist Church annonçait l’événement homophobe organisé en pleine Pride, la « Make America Straight Again » conference.

Une vidéo qui crée un malaise entre la violence des propos et le cadre qui se veut combatif contre les LGBTQI+. « Ils ont leur mois de la pride à Orlando, et ils défendent leur cause. Nous avons tous les droits de défendre la notre. », ajoute-t-il. Durant trois jours, des dizaines de pasteurs ouvertement homophobes se sont donc retrouvés à Orlando, du 14 au 16 juin.

Pulse Nightclub

À quelques jours de la date de commémoration de la tuerie du Pulse NightClub, cet événement n’est pas passé inaperçu. Pour rappel, le 12 juin 2016, un terroriste revendiqué de l’État islamique était entré armé dans cette boîte de nuit LGBTQI+ à Orlando, puis s’était mis à tirer dans la foule. Bilan: 49 morts.

Il faut croire que les extrémismes religieux se recoupent, car le mouvement « MASA », inspiré du slogan de campagne Make America Great Again de Trump est encadré par toute une bande d’extrémistes chrétiens du courant baptiste qui défendent leurs positions par le biais de citations dans la bible.

En parlant de citations, parmi les pires qui sont ressorties de ces trois jours de « conférences », on retiendra le pasteur Steven Anderson, qui s’est déclaré comme « non violent », tout en disant qu’il souhaitait que « chaque homosexuel meure ». Dans la vidéo de présentation de l’événement, on en voit un autre déclarer qu’il n’était pas triste durant l’attaque d’Orlando, en appelant les homosexuels des « pédophiles et des violeurs ».

Une politique américaine qui légitime les positions homophobes

Impossible de croire que ces positions, ou plutôt ces insultes d’une violence extrême sont assumées si facilement par des pasteurs, et qu’ils ont eu l’occasion d’en discuter autour de tables de conférences, trois jours durant. Mais ce n’est plus une telle surprise dans l’Amérique de Trump. Au lendemain de l’élection de celui qui s’amuse de l’homophobie de son vice-président, certains craignaient que la position de pouvoir d’un homme qui a peu de considération pour les LGBTQI+ ne crée un sentiment de légitimité chez ce genre de personnes, et qu’ils assument au grand jour leurs positions extrêmes.

L’actrice Ellen Page (Juno, Umbrella Academy), qui a récemment fait son coming out et porte un militantisme fort depuis, l’avait elle-même expliqué lors d’une interview donnée à Stephen Colbert en parlant de Mike Pence, vice-président américain: « Voici ce qui se passe. Si vous êtes dans une position de pouvoir, que vous détestez les gens et que vous voulez provoquer de la souffrance aux gens. Vous y mettez du vôtre et vous consacrez votre carrière à essayer de faire du mal. Que pensez-vous qu’il va se passer ? Ce sont les jeunes qui seront les victimes. Ils se suicideront, d’autres se feront tabasser dans la rue. »

La Straight Pride

Ce n’est pas la première fois que certains veulent remettre en cause le mois des fiertés. On avait déjà entendu parler de ceux qui rêvent d’organiser une « Straight Pride ». Des gens qui semblent ne pas avoir compris que la Pride n’est pas destinée à faire la fête, mais bien à défendre ses droits.

Les hétéros n’ont pas vraiment besoin de défendre leurs droits, comme le disait si bien l’humoriste Marina Rollman dans sa chronique sur France Inter: « Quelles oppressions subissent les hétérosexuels? Tu te fais tabasser quand t’es hétéro? On t’empêche de t’embrasser dans des lieux publics? » avant de rajouter: « Oui, le monde est fait pour les personnes hétéro, cis et blanches comme moi. Ça ne veut pas dire que si vous l’êtes, vous avez une vie facile, ça veut juste dire que ces caractéristiques-là ne s’ajoutent pas comme un fardeau supplémentaire à plein d’autres trucs tragiques, qui peuvent vous arriver. »

Les privilèges expliqués simplement. Mais beaucoup semblent avoir du mal à comprendre ces notions, et continuent à être persuadés que les LGBTQI+ sont une menace pour leur mode de vie confortable.

Contre-manifestation

https://twitter.com/JDCastoPhoto/status/1139996937703305217

Les participants à l’événement « MASA » espéraient provoquer des violences pour utiliser la loi Stand Your Ground active à Orlando, qui autorise une personne à utiliser une « force raisonnable » en tant que légitime défense quand « elle croit de façon raisonnable qu’elle est soumise à une menace illégale, sans obligation de battre en retraite. »

https://twitter.com/HannaVonFancy/status/1139640637190336512

C’est raté: une manifestation d’une centaine de personnes se tenait effectivement aux portes du centre de conférences mais elle est restée pacifiste jusqu’au bout.

La police d’Orlando avait d’ailleurs refusé d’offrir sa protection à l’événement homophobe, malgré leur demande. Ils s’étaient donc retrouvés à engager une « sécurité privée ».

Cet événement aurait pourtant pu tourner au conflit et à la violence. Aux USA, l’homophobie fait des ravages et en 2017, on comptait une hausse de 17% de crimes haineux ciblant les minorités raciales, sexuelles et de genre.

Ce retour de bâton, alors que le progressisme semblait gagner du terrain, n’est malheureusement qu’une redite de l’histoire, comme le faisait remarquer le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies dans une note d’information: « Dans plusieurs pays, les autorités ont noté une montée spectaculaire de la violence homophobe et transphobe pendant la période qui a immédiatement suivi les remarquables avancées législatives enregistrées dans la protection des droits des LGBT. Ce phénomène n’est pas sans parallèles historiques : il semblerait que les efforts réalisés dans le passé pour éliminer la ségrégation et la discrimination raciales aient déclenché des réactions analogues contre les minorités raciales. »

C’est la responsabilité des États que d’éviter une escalade de violences, comme le pointe l’ONU: enquêter sur les crimes haineux, organiser des campagnes de sensibilisation et d’éducation, former efficacement les personnes en contact direct avec les victimes… Mais difficile d’y croire avec le gouvernement Trump, quand on sait encore une fois que Mike Pence organise des thérapies de conversion pour les personnes LGBTQI+.

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