Le bout du bout: près d’un médicament sur deux délivré sans ordonnance est « à proscrire »

Le magazine 60 Millions de Consommateurs a établi une « liste noire des produits dangereux » dans son édition du mois de novembre. Parmi la centaine d’objets du quotidien considérés comme dangereux se trouvent de très nombreux médicaments délivrés sans ordonnance. Tu sais, ceux que tu avales au moins une fois par mois quand tu as mal au ventre ou à la tête…

Jouets, électroménagers, appareils high-tech et matériel de bricolage défectueux, banques qui arnaquent les clients, thés contaminés aux pesticides et métaux lourds… Le magazine 60 Millions de Consommateurs dépeint un tableau sombre des objets qui nous entourent au quotidien. Et pour cause, dans sa « liste noire des produits dangereux« , les experts ont passé au crible 62 médicaments délivrés sans ordonnance et leurs conclusions ne sont franchement pas roses.

Commençons par les « bonnes » nouvelles: 13 médicaments sur 62 (autrement dit 21 %) sont « à privilégier », parce qu’ils ont un « rapport bénéfice/risque favorable », selon l’analyse qui a été supervisée par le professeur Jean-Paul Giroud, pharmacologue clinicien de renom et membre de l’Académie de médecine, et par Hélène Berthelot, pharmacienne. C’est le cas, par exemple, de Vicks Vaporub, Imodiumcaps, Gaviscon menthe, Forlax 10 G, Maalox, qui sont classés parmi les bons élèves.

Les médicaments contre le rhume au fond du fond

Et maintenant les mauvaises nouvelles. Un tiers des médicaments est classé « faute de mieux ». Cela signifie que leur efficacité est faible ou non prouvée, sans entraîner pour autant d’effets indésirables. Plus de 55 % des médicaments ont carrément une « efficacité zéro » très discutable. Pire encore, près d’un médicament sur deux (28 sur 62) est  » à proscrire », car le « rapport bénéfice/risque » est défavorable. Mais « de toute façon, la durée d’utilisation doit être courte », tempère à l’AFP le professeur Jean-Paul Giroud. Il vaut donc toujours mieux bien te renseigner auprès d’un médecin avant d’avaler tout et n’importe quoi.

Quels sont les mauvais élèves? Au fond du fond, on trouve de nombreux médicaments anti-rhume, comme Actifed Rhume, DoliRhume et Nurofen Rhume, qui sont, pour certains, vendus seulement en France. Le magazine explique qu’il s’agit de comprimés contenant deux à trois principes actifs: un vasoconstricteur (pour déboucher le nez), un antihistaminique (pour arrêter le nez qui coule) et du paracétamol ou de l’ibuprofène (pour les maux de tête). Or, ces cocktails présentent des risques de surdosage et donc d’effets indésirables très graves tels que des vertiges, voire un accident cardiovasculaire ou neurologique.

30 fois la dose nécessaire

Une phrase du professeur Giroud suffit à résumer la situation: « En somme pour décongestionner un nez bouché, on met un bazooka à la disposition des malades ». Ainsi, des médicaments à base de pseudoéphédrine (une substance pourtant dangereuse) à avaler et vendus sans ordonnance peuvent délivrer jusqu’à 30 fois la dose des mêmes médicaments qui s’administrent par voie nasale et qui ne sont disponibles que sur ordonnance.

Contre la toux, le bilan est tout aussi noir. Seul un des médicaments analysés est « à privilégier », pour 60 % de « à proscrire ». Par exemple, les pastilles pour la gorge à base d’anti-inflammatoires comme Strefen exposent inutilement à un risque d’hémorragies digestives. Il existe également un tas de fluidifiants bronchiques dont l’efficacité n’a jamais été prouvée et qui peuvent être sources d’allergies ou d’irritations du tube digestif.

« C’est l’hécatombe »

Et c’est de mal en pis. « C’est l’hécatombe par rapport à l’étude que nous avions réalisée en 2015, où il y avait 35 % de médicaments à privilégier et seulement 50 % à proscrire », déplore la revue. La raison? Depuis le mois de juillet, les sirops ou comprimés à base de dextrométhorphane (une substance efficace pour combattre les toux sèches) ne sont plus accessibles sans ordonnance, suite à quelques débordements de la part d’ados. Ceux-ci se faisaient des cocktails « purple drank » à base de soda et de médicaments, justifie à l’AFP Adeline Trégouët, rédactrice en chef déléguée du magazine.

Le véritable problème vient du manque d’information. Le pharmacologue s’en désole « le public ne connaît les médicaments que par la publicité or elle n’est pas véritablement informative ».

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