Katie Bouman, une ingénieure qui a photographié le trou noir, est victime de cyberharcèlement parce que c’est une femme

Internet dans son pire état. Katie Bouman est une ingénieure qui a travaillé sur l’algorithme qui a permis de créer le première reconstitution d’un trou noir. Mis en avant pour cette découverte, elle est désormais victime de cyberharcèlement simplement parce qu’elle est une femme. 

La semaine dernière, Katie Bouman était aux anges au moment de « photographier » pour la première fois un trou noir, le supermassif M87 nommé Powehi. La jeune femme de 29 ans a en effet pris part au développement de CHIRP, un algorithme capable de reconstituer l’image d’un trou noir, dès 2016. C’est grâce à cet algorithme que l’on peut désormais profiter de ce cliché du trou noir qui a fait le tour du monde.

La jour de la découverte, Katie Bouman publiait une photo d’elle sur son compte Facebook, toute excitée alors que la photo de Powehi s’affiche progressivement sur l’écran de son ordinateur. La jeune fille qui a été lancée grâce au MIT (Massachusetts Institute of Technology), la meilleure université du monde dans le milieu de la technologie et des sciences, s’est donc retrouvée sur le devant de la scène. Dans un premier temps, les félicitations et les compliments à son encontre ont déferlé. Mais les compliments ont laissé place aux insultes et aux commentaires méchants et désormais, Katie Bouman est véritablement victime d’un cyberharcèlement de masse.

La raison? Elle est simple et incroyablement stupide: elle est une femme et est accusée d’avoir éclipsé le travail des 200 autres scientifiques (principalement des hommes) qui ont bossé sur ce projet.

Page Wikipédia signalée et réseaux sociaux parodiés

Évidemment, directement après la découverte, la page Wikipédia de Katie Bouman s’est enrichie. Mais le 12 avril dernier, elle a été signalée par un internaute qui se considère comme féministe. Il justifie son signalement en écrivant que Katie Bouman « est une des 200 personnes d’une grande équipe qui a travaillé sur l’Event Horizon Telescope«  et que « quelqu’un qui est même pas professeur adjoint n’est certainement pas remarquable en tant que scientifique. »

Et sur les réseaux sociaux, c’est encore pire. Des comptes parodiques sont apparus sur Twitter qui ont heureusement été rapidement supprimés par la plate-forme. Sur Instagram, c’est allé plus loin: des faux comptes d’Andrew Chael, un collègue de Katie Bouman, ont été créés et ont diffusé une fausse information selon laquelle l’homme aurait codé entre « 850.000 et 900.000 lignes de code » de l’algorithme qui a reconstitué l’image du trou noir. Une manière d’insinuer que Bouman n’en a pas touché une. Andrew Chael, le vrai cette fois, a rapidement démenti cette fake news.

Alors oui, il est vrai qu’Andrew Chael n’est pas étranger à la réussite du projet mais cela ne retire en rien l’importance du boulot de sa collègue. Il l’a d’ailleurs défendue sur Twitter: « Je suis ravi que Katie soit reconnue pour son travail et qu’elle inspire des gens comme exemple du leadership des femmes dans les STIM (Sciences, Technologies, Ingénierie et mathématiques) ». Et cette fronde anti-Bouman se poursuit sur YouTube où une vidéo tente de démontrer que la jeune femme n’a effectué que 6% du travail en récupérant tous les lauriers. Ouep, c’est plutôt triste.

Travail collectif

Le 10 avril, Katie Bouman s’est expliquée dans un post Facebook où elle met en avant le travail collectif qu’a demandé cette prouesse historique: « Ce n’est pas un algorithme ou une personne qui a créé cette image, elle a nécessité le talent incroyable d’une équipe de scientifiques du monde entier et des années de travail acharné pour développer l’instrument, le traitement des données, les méthodes d’imagerie et les techniques d’analyse nécessaires pour réaliser cet exploit apparement impossible. » À partir de là, difficile de l’accuser de vouloir s’attribuer les mérites de la découverte.

Le domaine des sciences, comme beaucoup d’autres, souffre encore de discrimination des genres. Il y a un an, une étude était publiée illustrant ce problème: l’étude expliquait qu’il faudrait attendre encore 280 ans avant que les autrices soient autant représentées que les hommes dans les publications de papiers scientifiques. Et ce malgré toutes les grandes découvertes attribuées aux femmes. Marie Curie en est le meilleur exemple.

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