Ce que Jean-Sébastien Gosuin aime dans le sport, c’est aussi toute l’émotion qui va autour de l’événement. Ajoute à cela le goût du marketing, et tu as Seaters, une boîte venue de Belgique pour s’installer aux États-Unis et conquérir le monde.
C’est au creux de la matinée pour Jean-Sébastien Gosuin, au milieu de l’après-midi pour l’Europe, que nous fixons rendez-vous, décalage horaire oblige: oui, Seaters est basé aux États-Unis, entre autres parce que c’est là « qu’on trouve des stades immenses. »
Et c’est essentiel à l’activité de Seaters, à écouter la phrase que Jean-Sébastien Gosuin tient toute prête pour susciter les questions: « Seaters remplit les places vides des événements sold out, sportifs ou musicaux ». Et il continue sur sa lancée: « À ce moment-là les gens nous demandent comment on trouve des places à des événements sold-out. » En fait, même lors d’un événement où les places sont apparemment toutes vendues, il y a 2 à 10% des places laissées vides. Pas top pour les sponsors ni pour l’organisateur…
Seaters va alors aider les sponsors de l’événement (des marques comme Coca-Cola par exemple) à maximiser l’occupation de ces places en les dirigeant vers des « cibles qualifiées »: par exemple des employés de la société, qui autrement auraient été des cibles oubliées, des clients etc. D’ailleurs, 90% des gens qui assistent à un événement via Seaters arrivent via la page de la société qui fait appel à Seaters pour atteindre sa cible, par exemple: seaters.com/kpn.
Des particuliers peuvent aussi se placer sur une liste d’attente via Seaters directement. Ces clients particuliers sont importants pour la vision ultime du projet, explique encore Jean-Sébastien Gosuin. Pour le moment, ils sont encore encore une minorité: si tu as Seaters sur ton téléphone pour réserver une place de concert, tu fais partie des 10% du trafic qui arrive via Seaters directement.
Ce sont 26 personnes qui travaillent chez Seaters.
Outre l’occupation des places, qu’est-ce que vos clients attendent de Seaters?
On aide les sponsors des événements à objectiver réellement leur retour sur investissement: on les aide à objectiver leur cible, c’est-à-dire les personnes qui peuvent assister à l’événement. Cette cible n’est plus une nébuleuse noire. On va vers plus de transparence à ce niveau-là.
Aussi, le suivi de l’occupation des places est rarement un objectif de la société. Avec Seaters, ils gagnent en transparence là-dessus.
Enfin, on répond aux attentes des fans avec un algorithme propre, que nous avons breveté: il leur indique leur rang et la probabilité qu’ils aient un billet. C’est donc une aide, par rapport aux messages contradictoires que les fans peuvent recevoir autrement: on leur dit que l’event est sold out et eux, ils voient des places vides à la télévision.
On amène de la transparence et de la clarté, de l’objectivation. Nous sommes les premiers à faire ça.
Est-ce que Seaters est susceptible d’avoir (à terme ou non) une influence sur le prix des tickets?
On a une partie « data »: elle est encore faible mais demain elle peut être très importante. Elle peut aider à capturer la demande au-delà du message « sold out »: oui, parfois c’est sold out dans les catégories les moins chères mais pas dans les autres… Ou encore, on peut se rendre compte qu’un fan est prêt à payer 30 euros mais pas 38… Les sponsors peuvent alors s’adapter à cette demande, qu’ils comprennent mieux, grâce aux données.
Si tu devais épingler les événements-clés pour Seaters en 2016…
En 2016, on a été actifs pour l’Euro, pour les Jeux de Rio, pour la tournée européenne d’Adele… Un peu de tout donc!
Qu’est-ce qui t’a décidé à emmener Seaters à l’étranger, à New York?
Dès le premier jour, Seaters est global. Et on a choisi de s’installer à New York pour deux raisons: d’abord, le marché américain de l’entertainment, où le loisir est le plus gros… Il suffit d’y regarder la taille des stades. Ensuite, on est mieux placé pour y lever des fonds. Là, on a levé 8 millions de dollars auprès d’investisseurs américains. Les investisseurs belges sont plus frileux à l’idée d’investir dans un concept qui n’a pas encore fait ses preuves.
Cela dit, Seaters est parti de Belgique et on est fiers d’être belges. Notre développement se fait d’ailleurs en Belgique: les ingénieurs y sont bons, vraiment bons et le développement nous revient moins cher en Belgique qu’aux États-Unis.
Tu avais également lancé une PME, Suseia, active dans la billetterie. Qu’en as-tu retiré que tu utilises maintenant dans Seaters?
Clairement, je ne serais pas là sans Suseia. Avec Suseia, on a été l’agence officielle en Belgique pour la vente des billets aux J.O. de Londres en 2012, on a travaillé sur Roland-Garros. C’est là que je me suis rendu compte qu’il y avait un manque d’efficacité sur ce marché, au niveau des places. Cette expérience de Suseia a été essentielle. Aussi, je me suis fait des amis dans le monde entier au travers de la FIFA et des Jeux Olympiques. Au niveau de mon réseau, de mon network, ça a fait la différence.
Qu’as-tu fait différemment avec Seaters?
Pas grand grand chose… Suseia était tout entier sur mes épaules, ici je n’ai pas commencé seul. Dès le départ, on a été trois co-fondateurs. Je suis comme plus détaché ici.
Suseia fonctionnait d’un contrat à l’autre, sans garantie de continuité. Avec Seaters, on a des ambitions globales et dès le départ, on a travaillé avec des marques mondiales: le premier test était avec Coca-Cola à Singapour.
La prise de risque était aussi plus élevée du côté de Suseia. Avec Seaters, on n’a pas nous-mêmes de stock, notre application sert aux gens qui en ont un et les aide à le maximiser, à atteindre leur cible avec ce stock.
Suseia a dû fermer boutique, comment l’as-tu vécu?
En 2012, Suseia a connu son climax, avec les J.O. de Londres. Après Londres, il restait les Jeux de Rio et Sotchi, qui présentaient des risques énormes. J’ai essayé de m’associer, de vendre la société… Puis, par raison, j’ai décidé de déposer le bilan. L’actif était plus faible que le passif, cela s’est donc soldé donc par une faillite. Nous n’avons pas eu de problèmes liés à des fans, tous les employés ont retrouvé chaussure à leur pied très vite.
… Mais tu pleures quand tu fais ce choix, que tu fermes ton bébé. Et du coup, je suis plus détaché aujourd’hui, Seaters me dépasse en quelque sorte puisque nous sommes trois fondateurs.
Maintenant, j’ai fait ça pendant dix ans. Si tu te plantes après cinq ans, c’est que l’idée n’est pas bonne… Mais en dix ans, avec Suseia, on a vécu des choses extraordinaires: le Big Air à Anvers, avec tout le gratin mondial du snowboard, la Belgian house aux J.O. de Londres… Des expériences comme ça restent parmi mes plus belles expériences aussi au niveau personnel!
Les États-Unis ont une autre vue sur l’entrepreneuriat, les échecs éventuels, que l’Europe: mythe ou réalité?
Il y a bien une dynamique entrepreneuriale américaine: ça bouge, ça avance, on prend des risques, on lève de l’argent, c’est la norme là-bas, ça l’est moins en Belgique et en Europe.
L’échec y est aussi plus accepté, en fait, ça fait partie d’un cycle d’apprentissage. C’est quelque chose de normal. Au plus tôt on est confronte a l’échec, au mieux c’est: et c’est le rebond, après l’échec, qui est intéressant.
S’expatrier en famille, comme entrepreneurs, dans une ville chère… Le jeu en vaut-il la chandelle?
Ma femme est une sainte! Et il faut être deux pour vivre ce projet! Là, elle était d’accord donc et on a foncé. Il y a eu des mois avec pas grand chose comme cash. Le projet était alors lourd à porter. Mais l’un dans l’autre, on s’en est sorti: mon épouse est heureuse ici, elle est coach en entreprise à la base, là elle a un job où elle est en charge du contenu des formations dans une grande boîte. Nos enfants sont jeunes, ils vont à la Public school américaine, ils ont des copains, ils apprennent l’anglais. C’est un très beau cadeau que des parents peuvent faire!