L’industrie du jeu vidéo est en pleine mutation entre les annulations en série et la réduction des coûts: quels sont les futurs défis ?

Après deux années particulièrement prolifiques, l’industrie du gaming se retrouve confrontée à plusieurs défis qui l’obligent à prendre des décisions difficiles.

Pourquoi est-ce important ?

La pandémie de coronavirus a été une période bénite pour l’industrie du jeu vidéo. À l’image du secteur de la tech, les ventes et la demande ont explosé, mais maintenant que les choses sont revenues à la normale, la situation n’est plus la même. Le contexte macroéconomique pèse également.

L’actualité : plusieurs éditeurs de jeux vidéo ont annulé ou reporté la sortie de plusieurs titres, au cours des dernières semaines. Ils font face à une demande en baisse et cherchent à réduire leurs coûts. 

  • Début janvier, Ubisoft a fait part de sa décision d’annuler trois jeux en cours de développement. L’année précédente, il en avait déjà abandonné 4 et annoncé le report du lancement de plusieurs titres très attendus, dont Avatar et Skulls and Bones.
  • Electronics Arts a récemment mis un projet d’adaptation en jeu mobile de l’une de ses plus grandes licences à la poubelle, annulé un autre et retardé la sortie de son projet de jeu vidéo Star Wars.
  • De son côté, Take-Two a signalé la mise en place d’un programme visant à réduire les coûts vis-à-vis du personnel, de l’infrastructure et d’autres domaines.
  • On peut également citer l’aveu d’échec de Google qui s’était récemment lancé sur le secteur et qui a finalement fermé sa plateforme de cloud-gaming, Stadia.

Le contexte : à l’image du secteur de la tech (et d’autres), l’industrie du gaming est confrontée à de multiples défis.

  • Demande en baisse : après deux années particulièrement prolifiques en raison de la pandémie de coronavirus, le secteur du jeu vidéo connait en effet une baisse de la demande de la part des joueurs. Le retour à la vie normale a réduit leur temps de jeu.
    • À noter : les dépenses restent cependant supérieures à celles d’avant la pandémie, selon plusieurs spécialistes.
  • Inquiétudes liées à l’économie : l’inflation généralisée, couplée aux hausses des taux d’intérêt, pousse les consommateurs à revoir leurs dépenses et à limiter celles liées au divertissement.
    • Les géants du gaming sont directement impactés par la situation macroéconomique. Outre leurs ventes – et donc, leurs revenus – en baisse, leurs investisseurs se montrent également plus frileux vis-à-vis des projets plus risqués.
    • L’offre limitée de consoles de nouvelles générations, Xbox Series X et PlayStation 5, ainsi que les prix moyens des titres qui ont augmenté, ont sans doute également joué dans la balance.

« Les tendances au cours de la saison des fêtes, en particulier les dernières semaines de décembre et début janvier, ont été nettement et étonnamment plus lentes que prévu »

Ubisoft, le mois dernier, rapporte le Wall Street Journal.

En chiffre : En 2022, les actions d’EA et de Take-Two ont chuté de 14 % et 31 %, mais c’est Ubisoft qui a le plus souffert puisque l’éditeur et développeur a vu ses actions s’effondrer de 54 %.

  • Aux États-Unis, les ventes de logiciels de jeux vidéo, y compris les abonnements, ont baissé de 2 % au cours du dernier trimestre 2022, en glissement annuel, selon NPD Group. Il s’agit de la deuxième baisse trimestrielle consécutive, et ce, alors que la fin d’année est souvent une période importante en termes de ventes.
  • Les dépenses sur les jeux mobiles – le segment le plus important et à la croissance la plus rapide de l’industrie – ont chuté de 12 % au quatrième trimestre de l’année dernière, rapporte Sensor Tower Inc.

Les grosses licences se maintiennent

Avec un budget divertissement revu à la baisse, les joueurs hésitent davantage à se laisser tenter par de nouveaux titres, car le risque d’être déçu est trop grand. C’est pourquoi ils préfèrent se tourner vers des licences « sûres », qui ont fait leurs preuves au fil des années, comme par exemple Call of Duty ou encore Fifa, ont déclaré des analystes et dirigeants d’entreprise au Wall Street Journal.

  • « Les jeux de niveau inférieur [de niche] ont du mal lorsque le consommateur est limité », a déclaré Mike Hickey, analyste de Benchmark.
  • D’ailleurs, certains géants du gaming qui possèdent plusieurs licences phares dans leur catalogue ont fait exception, notamment Activision (Call of Duty, World of Warcraft, Candy Crush).
    • Le trimestre des fêtes de fin d’année a également été très bon pour l’éditeur de Roblox. Ce dernier a enregistré des résultats bien supérieurs aux attentes des analystes, alors qu’au cours des 12 mois précédents, ses actions ont chuté de 45 %.
  • Mais de bons résultats ne protègent pas du contexte macroéconomique. Roblox a en effet annoncé qu’il prévoyait de réduire ses dépenses d’infrastructures en 2023 de 25 à 30 %.

Une situation qui n’est donc pas près de s’arranger, à en croire les perspectives pessimistes de certains. De quoi appauvrir le champ vidéoludique. Les jeux vidéo indépendants pourraient se raréfier davantage, face aux pressions macroéconomiques.

« Vous verrez davantage de superproductions, mais l’innovation et les expériences inédites ne viendront probablement pas des éditeurs traditionnels », a déclaré Joost van Dreunen, professeur de commerce des jeux vidéo à la Stern School of Business de l’Université de New York, au média américain. « Tout le monde est devenu averse au risque ».

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