Donatienne van Houtryve, Bsit: « on avait juste envie d’une app pour nous trouver des baby-sitters facilement »

Bsit

Bsit, ce sont deux collègues-copines qui ne se rêvaient pas entrepreneurs. Ce dont elles rêvaient, c’était de pouvoir trouver, vite et bien, un(e) baby-sitter. Elles ont créé l’app dont elles avaient besoin et dont, en fait, des dizaines de milliers de gens avaient besoin. « Le succès a été fulgurant » et les deux fondatrices s’entendent toujours aussi bien.

Dans le vif du sujet: Donatienne reporte notre rendez-vous de quelques minutes parce que « je dois m’occuper de mon nouveau-né, un instant ». Mais quand on commence la discussion, Donatienne est 100% dans son rôle d’entrepreneur, prête à toute me dire sur Bsit, l’app qui permet de trouver un(e) baby-sitter en un clin d’oeil qu’elle a lancée il y a un peu plus d’un an avec une copine – collègue. « C’est parti d’un besoin » mais « on n’imaginait pas un tel engouement. »

Après un an d’existence, Bsit employait douze personnes à plein temps (dont des stagiaires) et avait 100.000 utilisateurs au Benelux et en France.

En fait, Bsit, c’est « la digitalisation du bouche-à-oreilles » puisqu’on peut voir le feedback que ses amis donnent à la/au baby-sitter en question. L’app, elle, se finance en chargeant l’équivalent d’un quart d’heure de baby sitting par réservation.

Comment vous est venue l’idée?

L’autre fondatrice et moi, on travaille dans une banque, on fait de la gestion de portefeuilles. Elle (Géraldine Biebuyck) a 40 ans, j’en ai 34, elle a deux petits garçons, j’ai une fille de 4 ans et demi, une de 3 ans et un bébé de cinq semaines. Et c’est clair, c’est difficile de trouver une baby-sitter pour une réunion, une soirée. On galère. On avait envie d’une app, sur notre téléphone à nous, juste pour nous aider à trouver une baby-sitter. Et à un moment, nos maris ont dit « ou vous faites ce truc, ou vous arrêtez de vous plaindre. » Alors on l’a fait!

On n’imaginait pas un tel engouement. On voulait juste ça égoïstement, pour nous. On ne se rêvait pas entrepreneurs.

Cumuler un boulot dans une banque, une start-up, un nouveau-né et deux petites filles… Ça va?

Dans la banque, je fais de la gestion de portefeuille à 4/5e. Il me reste donc 20% pour ma propre boîte. Et quand c’est sa boîte, la motivation est différente. Ça ne nous pèse pas de mettre quelques heures dedans le soir, le weekend.

C’est vrai que la famille, c’est plein d’organisation. Heureusement, il y a la crèche, les écoles. On court beaucoup mais ça se met quand on s’organise. Et je ne dis pas ça parce que c’est ma boîte mais Bsit aide vraiment une mère, surtout en dernière minute.

Aussi, on a un CEO d’enfer chez Bsit. Il est dynamique, il gère bien, il nous permet de prendre du recul.

Bsit

Vous avez fondé la boîte mais c’est quelqu’un d’autre qui en est le CEO… Pourquoi?

Oui, donc on a nommé un CEO. Nous deux, les fondatrices, on s’occupe toujours de la stratégie, on est encore bien dedans mais pas à plein temps. En fait, on n’a pas l’expertise IT ou marketing et ce sont ces expertises qui sont nécessaires pour Bsit.

Quels sont les moments les plus durs, les plus stressants?

Ce moment où, là, vraiment, il faut se lancer: on s’excite, on se parle, on fait un plan sur papier… Tout ça c’est très joli. Mais il y a un moment où il faut foncer, faire le pas et ça c’est impressionnant. Aussi, il y a eu ce moment où notre CEO a décidé de faire Bsit, de faire ça à temps plein et pas autre chose. C’est notre pote, on n’a pas envie de l’embarquer dans un plan foireux.

Puis ceci aussi bien sûr: on a fait beaucoup d’interviews au début pour mesurer les attentes etc… Mais on se demande ce que les gens vont penser, ceux qui ne sont pas nos potes ou notre famille: est-ce qu’ils seront aussi enthousiastes? Est-ce que notre idée sera bien accueillie?

Devant le stress, qu’est-ce que tu fais?

D’abord, on se serre les coudes en équipe, dans la société. Mais oui, sinon, j’ai des nuits blanches, des moments d’angoisses, c’est comme ça. Heureusement, ça tourne et j’ai vraiment confiance dans l’équipe derrière.

Votre plus gros foirage?

Une erreur… Je n’en vois pas vraiment. On gagne plus de temps maintenant, on canalise mieux nos discussions. Avant, au début, on veut tout faire, on part dans tous les sens et ça, c’est une perte de temps.

Bsit

Vous étiez deux potes au départ, vous l’êtes toujours?

Tant qu’il n’y a pas de soucis, tout va bien, je dirais. Mais on doit tout bien cadrer dans un contrat, comme pour un mariage: on y va à fond, c’est pour la vie, on y croit mais… il faut une discussion ouverte: ce que chacun cherche, d’une part, mais aussi discuter des côtés moins agréables: il faut aller imaginer ce qui se passe si on n’est plus d’accord avec un actionnaire, si on choisit de se retirer, si si si… Oui, je crois qu’on peut vraiment comparer avec un mariage et un contrat de mariage.

Un conseil à donner à qui veut se lancer comme ça?

Il faut vraiment bien s’entourer. La clé de la réussite, c’est l’équipe de départ.

« Bien s’entourer », c’est facile à dire, comment est-ce qu’on fait?

Et bien le CEO, c’est un très bon ami du mari de ma copine. Le feeling est tout de suite bien passé.

Celui qui s’occupe de tout ce qui est image, design, c’est un ami que j’ai vu dans un bar en sortant du boulot. J’ai tout de suite vu dans ses yeux l’intérêt, l’envie quand il me disait « pour le design, tiens, je ferais ça comme ça. »

En fait, j’espère moins me tromper en connaissant la personne.

Puis on a rencontré beaucoup de nouvelles personnes. On s’ouvre niveau réseau et ça aide beaucoup.

Peu de femmes entreprennent, pourquoi?

Par peur du manque de temps? Entreprendre, cela demande beaucoup de soutien, d’organisation. Mon mari m’aide beaucoup, m’appuie, c’est une chance.

En général, pour entreprendre, il faut quitter une stabilité, oser lâcher prise. Je suis toujours en admiration devant ces entrepreneurs qui prennent quelques années pour essayer.

Beaucoup de gens ont de super idées mais n’osent pas se lancer. Allez, la vie est longue, testons, essayons, on n’a pas envie de s’embarquer dans un métier et de savoir ce qu’on fait pendant les cinquante ans qui viennent.

Qu’est-ce qui fait que vous deux en êtes de ces femmes entrepreneurs?

Même si je n’aime pas faire de différences, le sujet est féminin. Bsit est né d’un problème d’organisation.

Aussi, on travaillait dans la même boîte, on a eu notre premier enfant à peu près en même temps. On est passé par les mêmes galères en même temps, ça soude.

Vous avez levé des fonds après quatre petits mois d’existence, même pas peur?

En fait, on avait besoin de renforcer l’équipe, notre réussite était vraiment fulgurante: on devait renforcer les fonds. Mais on a choisi de faire appel à des investisseurs privés. C’était plus simple pour nous de négocier avec des personnes physiques autour de la table qu’avec des fonds de placements.

Tes cartes-maîtresses, quelles sont-elles?

Il faut du bon sens, c’est plus nécessaire qu’un diplôme. C’est vrai, j’ai fait l’IAG. Mais ce que l’investisseur regarde, c’est le sens du concret. Et de toutes façons, en une année ici, j’ai plus appris que ce que n’importe quel master pourrait m’apporter.

Aussi, le réseau qu’on a autour de soi: le cercle amical, une vie de famille équilibrée, ça aide vraiment. Je sais que je peux compter sur mon mari et sur des amis que je connais bien. Bien sûr, le réseau au sens Linkedin du terme, ça aide aussi. Au début, les gens étaient très enthousiastes, venaient nous féliciter: ça nous soutenait au départ.

Que ferais-tu pour stimuler l’entrepreneuriat en Belgique?

Je faciliterais encore l’accès aux subsides: c’est compliqué de savoir là où on peut en trouver. C’est lourd, peu facile d’accès… Ou c’est moi qui ne suis pas douée. En tout cas, ce que j’ai trouvé, c’est par bouche-à-oreille, pas sur Google. Un guide clair et succinct, ça faciliterait la vie quand même. Ce serait un fameux gain de temps et ça, le temps, c’est très précieux au début d’une boîte.

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