La scolarisation des 1,5 milliard d’enfants du monde est souvent une perte de temps et d’argent. Car bien que son coût représente chaque année 5 % du produit intérieur brut (PIB) des pays, les résultats sont lamentables, et bien souvent, les enfants n’apprennent pas grand-chose, indique un rapport de la Banque Mondiale.
Un rapport de la Banque Mondiale accablant
Au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, les trois quarts des élèves ne peuvent même pas lire une simple phrase comme « Le chien s’appelle Médot » au terme de leur troisième année scolaire. Dans la campagne indienne, la moitié des élèves en cinquième année ne savent pas faire de soustractions avec des nombres à deux chiffres (63-37 par exemple). Le Brésil a réalisé des progrès avec les élèves âgés de quinze ans, mais le pays aura besoin de trois quarts de siècle au rythme actuel pour amener leurs connaissances moyennes en mathématiques au niveau de celles des pays riches. Quant à la lecture, il faudrait attendre… plus de 260 ans.
C’est ce que l’on peut lire entre autres dans le World Development Report 2018 de la Banque mondiale. Le message essentiel de ce rapport est que l’apprentissage et la scolarisation sont deux choses différentes. En d’autres termes, ce n’est pas parce que quelqu’un va à l’école et obtient un diplôme qu’il a beaucoup appris.
Pourtant, il y a aussi de bonnes nouvelles. Entre 1950 et 2010, le nombre d’années qu’un adulte moyen a passées dans l’école d’un pays en développement a triplé. Depuis 2008, ces pays ont réussi à donner de l’éducation à autant d’enfants que les pays les plus riches. Le problème n’est donc plus le manque d’éducation, mais le fait que les enfants n’apprennent pas beaucoup une fois qu’ils sont à l’école. Plutôt qu’un problème éducatif, il y a donc surtout un problème d’apprentissage désormais.
La Belgique n’est pas mieux lotie
Il en va de même pour l’enseignement belge, selon une étude internationale récente menée auprès de 5;400 élèves de la quatrième année de l’enseignement primaire, tant dans les réseaux gratuits que ceux de GO. Il y a dix ans, les enfants flamands atteignaient encore la huitième place en Europe, mais maintenant, ils se classent trente-deuxièmes. La Russie est en tête du test de lecture, la Flandre ferme la marche avec … la Belgique francophone.
L’économiste Geert Noels l’a récemment résumé ainsi: « Nous formons des jeunes qui n’excellent plus, parce que ce n’est pas cool. Pire, certaines personnes pensent que les meilleurs résultats sont dus à un avantage injuste lié à l’origine, et qu’il faudrait donc les ralentir. De ce fait, une philosophie de nivellement par le bas s’infiltre dans notre éducation au lieu d’une éducation stimulante ».
Les inégalités renforcées
La Banque mondiale parvient à deux conclusions. D’abord, le fait que l’éducation n’apprenne que peu, voire rien aux élèves est non seulement une opportunité perdue, mais aussi une grande injustice. Et ce sont bien évidemment les plus pauvres qui subissent les conséquences de l’inefficacité du système éducatif. En Uruguay, les enfants des couches les plus pauvres de la population sont cinq fois plus susceptibles de manquer des connaissances de base en mathématiques que ceux des familles plus aisées.
Ce phénomène se transpose aussi dans les États-nations. L’élève moyen d’un pays pauvre est moins performant en mathématiques et en langue que 95 % des élèves des pays riches. Cela met en branle une machine diabolique, qui favorise les inégalités, ce qui génère en conséquence un terreau fertile pour les conflits de toutes sortes.
Des enseignants parfois aussi incultes que leurs élèves
L’échec de l’éducation a des causes multiples et complexes que nous ne comprenons même pas, souvent. Le fait que de nombreux enseignants sont aussi ignorants que leurs élèves, par exemple, ou qu’ils ne se présentent pas au travail la plupart du temps. Dans d’autres cas, ce sont les élèves qui sont mal nourris ou ne disposent pas du matériel scolaire le plus élémentaire.
Ensuite, on trouve des pays comme le Mexique et l’Égypte, où les syndicats d’enseignants font obstacle à tout changement ou, pire encore, sont simplement corrompus. Une grande partie du budget ne va pas aux étudiants, mais est accaparé par des bureaucrates qui contrôlent et arnaquent le système.
Favoriser l’enseignement précoce
La Banque mondiale propose un certain nombre de solutions. Tout d’abord, mesurer les connaissances. Pour des raisons politiques, de nombreux pays ont intérêt à garder les inefficacités sous le radar. Mais quand on ne sait pas ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, il est difficile de progresser. En outre, la priorité doit être donnée à la qualité de l’éducation. Il peut être intéressant de signaler qu’un pourcentage élevé d’enfants vont à l’école sur le plan politique, mais s’ils apprennent peu, cela n’a pas beaucoup d’importance. Il faut aussi cesser de présenter la technologie comme une panacée. Parce que ce n’est pas le cas. Enfin: commencer le plus tôt possible. Plus les enfants commencent à aller à l’école tôt, plus ils assimilent aisément les enseignements.
2 bons élèves: la Corée du Sud et le Vietnam
Mais le message principal est que les jeunes des pays pauvres ne sont pas forcément condamnés à demeurer incultes. En 1950, la Corée du Sud était complètement détruite par la guerre. La plupart des jeunes ne savaient ni lire ni écrire. Mais 25 ans plus tard, le pays avait développé un système éducatif qui produisait les meilleurs élèves du monde.
Un autre exemple est le Vietnam, qui entre 1955 et 1975 a été le théâtre d’un conflit cruel et sanglant. Aujourd’hui, les jeunes de quinze ans y enregistrent les mêmes résultats scolaires qu’en Allemagne. Yes, we can!