Selon le lauréat du prix Nobel d’économie, chatGPT et ses successeurs ne pourront réellement pénétrer l’économie que dans les années 2030.
Selon le prix Nobel Paul Krugman, ChatGPT ne transformera pas l’économie durant la prochaine décennie
Pourquoi est-ce important ?
L'intelligence artificielle a connu un sérieux coup de pouce après la création du robot conversationnel chatGPT. L'IA fait la Une de tous les grands médias généralistes et suscite des craintes pour le marché de l'emploi. Goldman Sachs a récemment prédit que l'IA générative menaçait 300 millions d'emplois à travers le monde, même dans des domaines dits intellectuels. Pas si vite...Dans l’actu : une chronique de Paul Krugman dans le New York Times vient relativiser l’impact de l’IA générative à court terme.
- « Les grands modèles de langage dans leur forme actuelle ne devraient pas affecter les projections économiques pour l’année prochaine et ne devraient probablement pas avoir un grand effet sur les projections économiques pour la prochaine décennie », estime l’économiste.
- ChatGPT et tout ce qui s’ensuivra sont sans doute plus une histoire économique pour les années 2030, et non pour les quelques années à venir », ajoute Paul Krugman.
- Il reconnait que chatGPT et consort « rendront l’économie plus productive et nuiront probablement aussi à certains travailleurs dont les compétences ont été dévalorisées », mais l’économiste remet en cause la vitesse à laquelle cette révolution va se dérouler : « L’histoire suggère que les effets économiques importants de l’IA prendront plus de temps à se matérialiser que ce que de nombreuses personnes semblent attendre actuellement. »
- Paul Krugman donne l’exemple de l’augmentation de la puissance de calcul au milieu des années 1900 et de son effet décalé sur la productivité du travail.
Le contexte : l’engouement et les craintes suscitées par l’IA.
- On ne compte plus les articles sur chatGPT et ses comparses, tel que Bard (Google). Cet engouement s’est observé également sur les marchés : Nvidia, fabricant de puces qui a aussi un pied dans l’IA, a vu le cours de son action bondir de 83% depuis le début de l’année. L’ETF The Global X Robotics & Artificial Intelligence, le plus grand fonds lié à l’IA, a progressé de 23% dans ce même laps de temps, battant le Nasdaq qui est aussi en pleine bourre.
- On joue à se faire peur : Goldman Sachs a estimé que l’IA générative menaçait 300 millions d’emplois à travers le monde, surtout parmi les cols blancs (services juridiques, administration, architecture, ingénierie, codage, etc). Plus globalement, la grande banque pense que deux tiers des emplois sont exposés à un certain degré d’automatisation basée sur l’IA.
Zoom arrière : ce n’est pas la première fois que l’on annonce l’apocalypse.
- Une intéressante chronique de France Culture rappelle qu’en 2013, une publication de deux chercheurs de l’université d’Oxford avait fait sensation. « The Future of Employment : How Susceptible Are Jobs to Computerisation » annonçait la suppression de la moitié des emplois aux États-Unis dans un futur proche. En étudiant 702 métiers, ils ont estimé que la moitié d’entre eux seraient remplacés par des machines intelligentes dans un délai de 10 à 20 ans. Pour des tâches routinières, aussi bien manuelles ou intellectuelles, mais également non-routinières, comportant une dimension cognitive importante ou une dimension intuitive.
- En 2019, Patricia Vendramin et Gérard Valenduc dans une note de l’Institut Syndical européen ont remis en cause cette étude. « La fin du travail n’est pas pour demain » pointe du doigt trois goulots d’étranglement de l’ingénierie, pour lesquels les machines ne sont pas (encore) compétitives par rapport à l’être humain.
- Les tâches de perception et de manipulation non-structurées ou peu prévisibles, dans des environnements exigus ou désordonnés.
- Les tâches d’intelligence créative où les robots enrichissent la créativité humaine sans s’y substituer.
- Les tâches d’intelligence sociale, relationnelle ou émotionnelle (négociation, persuasion, soin personnel, conversation non-codifiable, etc).
Pour tous les métiers comprenant au moins un de ces goulots d’étranglement, la probabilité de leur disparition est beaucoup moins importante. Ce qui laisse une marge à beaucoup de métiers.