Le 23 novembre 1963, BBC One diffusait le premier épisode de Doctor Who. 55 ans après, la série est toujours là, plus vibrante que jamais, avec des millions de fans de par le monde. Pour cet anniversaire, retour sur la plus longue série du monde.
Des mannequins en plastique qui tentent de tuer les humains de Londres, des statues de pierre qui paralysent les individus si ceux-ci les fixent du regard, des méchants qui ressemblent à des aspirateurs géants criant « Extermination », un type qui veut empêcher Hitler de faire du mal, Shakespeare, une fissure dans le mur qui se révèle être une faille dans l’espace-temps, Angela Davis, une cabine de police qui traverse l’univers et est plus grande à l’intérieur… on trouve de tout dans Doctor Who.
Doctor Who est difficile à résumer en une phrase. Cette série raconte les aventures d’un voyageur temporel à la vie très longue qui emporte des humains dans son vaisseau pour résoudre des problèmes dans différents lieux et endroits de l’univers. Pitchée de la sorte, la série ne ressemble à rien mais c’est la richesse des personnages et l’intelligence avec laquelle le « Docteur » trouve des solutions pacifistes à de graves complications (souvent la fin de l’univers) qui font le sel de cette série unique. Et sa durée de vie aussi.
55 ans d’existence
Le premier épisode de la série a été diffusée le 23 novembre 1963 sur la chaîne britannique BBC One. 55 ans, 13 docteurs, 37 saisons et 847 épisodes plus tard, la série est toujours aussi vibrante et acclamée de par le monde. Bien que radicalement english, la série séduit autant au Royaume-Uni que dans le reste du monde. Tout le monde a l’accent anglais dans cette série, même les extraterrestres. Les épisodes qui se passent sur Terre ont toujours majoritairement lieu sur le territoire britannique, si l’on excepte quelques escapades à New York, Pompéi (les heures avant que le volcan explose) ou encore Berlin. Mais cette forte identité british, au lieu de déplaire, est devenue la marque de fabrique du programme.
Dans le monde francophone, la série reçoit un accueil mitigé. Elle a ses fans hardcore, qui apprécient l’aspect parfois cheap des décors et la folie scénaristique. Mais les téléspectateurs qui ne tombent pas sous le charme de cette pièce de science-fiction ne comprennent généralement pas l’engouement pour cette émission. France 4, la chaîne française qui diffuse les épisodes, enregistre des audiences assez faibles. On parle de 135.000 téléspectateurs par épisode. Les fans ne sont pas pour autant absents. À Lyon, par exemple, un Doctor Who Day est organisé pour célébrer les 55 ans d’existence du Docteur. Et les Whoviens le rappellent: cette communauté ne rate aucune des conventions de geeks, que ce soit FACTS, à Gand, la Made In Asia à Bruxelles ou encore les Comic Con de Bruxelles, Paris, Londres, Montréal ou San Diego.
Institution
Rapidement après la diffusion du premier épisode en noir et blanc, Doctor Who s’est tourné en une véritable institution en Grande-Bretagne. Dans les années 70, la militante moraliste à l’éducation bien chrétienne Mary Whitehouse a voulu faire stopper l’émission culte pour sa prétendue violence et ses scènes terrifiantes. Mais les enfants adoraient la série et l’aspect fantaisiste des aventures rendait la terreur toute relative. Les audiences ont tranquillement continué de grimper au point que la série est aujourd’hui inscrite dans la culture populaire britannique. Des millions de fans se délectent à chaque fois qu’un nouvel épisode est diffusé. Le premier épisode de la saison 11 a d’ailleurs battu des records d’audience en réunissant 8,2 millions de téléspectateurs au Royaume-Uni.
Apparaître dans Doctor Who est presque devenu un rite de passage pour les célébrités, un élément à placer sur son CV, et rares sont les acteurs britanniques n’ayant pas fait une apparition dans la série. À Londres, il existe des tours guidés des lieux où se sont déroulés des scènes de Doctor Who. Les fans peuvent se rendre dans les rues où s’est posé le TARDIS ou sur le pont qu’ont traversé les Daleks. On trouve également un WhoShop dans la capitale, et des expositions Doctor Who sont régulièrement organisées dans le pays.
Les éléments récurrents
Difficile à dire comment cette série est devenue aussi importante. Sa longévité dans le paysage audiovisuel, sans doute. Ses éléments si particuliers, aussi. Il y a le TARDIS, (acronyme de Temps À Relativité Dimensionnelle Inter-Spatiale) qui, d’apparence extérieure, est une petite cabine de police. Mais quand on y pénètre, on découvre un intérieur immense, avec un tableau de bord permettant de contrôler les voyages spatio-temporels du vaisseau.
Il y a ensuite les Daleks, les pires ennemis du Docteur. Quelle que soit la forme et l’âge du Docteur, celui-ci se souvient toujours que les Daleks lui veulent du mal. S’ils peuvent symboliser beaucoup de choses – la robotisation, les complexes militaro-industriels – les Daleks sont surtout visuellement de grosses boîtes en ferrailles qui hurlent « Extermination » à tout bout de champs. Ils n’ont pas de mains et se déplacent en glissant sur le sol. Comment parviennent-ils à guider un vaisseau spatial ou à monter des escaliers? Bonne question, à laquelle la série ne répondra jamais.
Et bien évidemment, il y a le Docteur. Sa véritable identité? On ne la connaît pas, tout comme son nom. À peine sait-on que c’est un extraterrestre venu de Gallifrey. Les créateurs lui ont attribué une identité complexe qui se trouve être une excellente parade scénaristique pour remplacer les acteurs. Lorsque celui qui l’interprète est remercié, le Docteur se régénère et prend une nouvelle apparence. Sa dernière a d’ailleurs fait grand bruit. Après plus de 50 ans de domination masculine, c’est une femme, l’actrice Jodie Whittaker, qui est aujourd’hui aux commandes du TARDIS. Et elle assure avec brio, même s’il se dit que la pression interne sur le tournage est telle qu‘elle pourrait partir plus tôt que prévu.
Les autres
On trouve d’autres personnages. Les passagers du TARDIS apportent cette touche de lucidité humaine que le Docteur apprécient tant. Ils vont et viennent, à l’instar de Rose, qui réapparaît dans certains épisodes. D’autres, comme le capitaine Jack Harness aka Bo ou Sarah Jane Smith, émergent par moments des spin-off de la série (Torchwood, K-9 and Company…). Parfois juste le temps d’une scène empreinte de nostalgie. Parfois plus. Il ne faut pas non plus oublier le fameux tournevis du docteur, sorte de baguette magique pour réparer l’univers mais qui souvent ne parvient pas à ouvrir une porte.
Doctor Who est une série qui interroge à la fois le monde et sa propre existence. On ne saura jamais vraiment qui est le Docteur mais toute la chronologie de la série oeuvre à y répondre. Enfin, chronologie est une façon de parler puisque la vie du Docteur n’a pas de futur, ni de passé, étant donné qu’il vit à toutes les époques possibles et imaginables. L’histoire qui entoure la réalisation des épisodes est aussi foutraque que la série. 97 épisodes ont été perdus à tout jamais car les bandes d’enregistrement coûtaient cher et la BBC a enregistré d’autres programmes sur ces épisodes. La série a également connu une interruption à partir de 1996 pour réapparaître en 2005 en ce que certains appellent le Nouveau Doctor Who. Ce qui ne dérange absolument pas son visionnage, la série pouvant être commencée par n’importe quel épisode au hasard étant donné que la majorité des épisodes ne se suivent pas.
Et toute cette masse de personnages et d’anecdotes participent de l’édification de cette cosmogonie immense au générique si prenant. La musique d’introduction de la série, composée par Ron Grainer et réalisée par Delia Derbyshire, fait partie de ces sons électroniques d’avant-garde qui traversent les époques. Maintes fois réinterprété pour les besoins de la série, ce générique garde toujours sa même ligne de base: une envolée sonore accélérée qui annonce un épisode foudroyant. Et ça, tous les fans le reconnaîtront. Quand le générique arrive, il n’y a plus que le Docteur qui compte.
55 years of time and space. Happy Doctor Who Day! Artwork courtesy of Carolyn Edwards @Timedancer8 #DoctorWho pic.twitter.com/5iIjyj51JB
— Doctor Who Official (@bbcdoctorwho) 23 novembre 2018