On est allés découvrir ce qu’était une « bière honnête » au BXL Beer Fest

Ce weekend, c’est la troisième édition du BXL Beer Fest dont on te parlait il y a quelques jours. Le temps d’une journée, on est allés traîner du côté de Tour et Taxis pour déguster la bière comme on la connait peu (ou pas assez): honnête, surprenante et représentative.

Qui a dit qu’on ne pouvait pas boire une bière à midi et paraître sophistiqué? L’apéro, ça n’a pas d’heure au BXL Beer Fest, et pour cause: parmi les 57 brasseries présentes sur le festival, il y a de quoi découvrir du lambic, du terroir et des bières venues des quatre coins du monde.

Dès l’ouverture des portes, on entend les langues s’entremêler: polonais, japonais, beaucoup d’anglais, du français, du néerlandais… La bière est fédératrice et le BXL Beer Fest est un lieu de rencontre de passionnés et d’adeptes en devenir.

Certains sont venus de loin pour découvrir le festival qui promet de ne proposer que des brasseries indépendantes, loin des grandes entreprises industrielles. On rencontre Dominic, londonien et tenancier de bar qui a débarqué spécialement pour le weekend: « Je n’aurais jamais cru qu’un jour, je pourrais me lasser de bières sour et de lambic. Mais c’est vrai qu’à la fin d’un weekend à ne boire que ça, mon estomac en prend un coup ».

« La bière honnête ne ment pas sur ce qu’elle est »

Vincent Callut, co-organisateur du BXL Beer Fest
©Lola d’Estienne d’Orves

Sur place, on croise aussi Vincent Callut. Co-organisateur de l’événement et co-fondateur de l’agence de communication MeetMyBeers!, il nous raconte l’essence même du festival: la bière « honnête » et « vraie »: « Une bière vraie, c’est une bière qui est faite avec des ingrédients nobles, où le brasseur ou la brasseuse va suivre le processus de fabrication en respectant le produit et le consommateur, qui est de plus en plus friand d’information et de transparence sur tout ce qu’il ingère. »Une notion légèrement différente de celle de la bière « honnête, qui ne ment pas sur ce qu’elle est. »

Cet événement, c’est en effet l’occasion de faire barrage au rachat constant de petites brasseries artisanales par de grandes multinationales, phénomène de plus en plus courant à l’heure de l’industrialisation de la bière: « Quand un grand groupe industriel rachète des brasseries artisanales, elles ne le sont plus: le critère d’indépendance n’est déjà plus là. Ensuite, dans la production ce sont des énormes volumes, et au lieu de faire une bière en quelques semaines, ils la font en quelques jours. »

Ce genre de rachats peut créer un phénomène d’uniformisation de la bière: « le risque, c’est qu’on se retrouve avec des bières qui ont toutes le même goût. Nous, à contrario, on veut montrer qu’il existe vraiment des artisans qui travaillent leurs bières correctement, et qui proposent des produits avec une palette d’arômes extrêmement large. On a des bières acides, amères, fruitées mais pas sucrées… ça aussi pour le quidam belge c’est difficile d’anticiper que si on met pas beaucoup de sucres dans une bière, elle peut aussi avoir du goût. »

« Certains font des bières avec de l’infusion d’hamburger. Ça n’a aucun intérêt, c’est du pur marketing. »

Ne pas savoir que choisir, donc prendre tout: illustration.
©Lola d’Estienne d’Orves

La bière ici se déguste, se découvre. L’occasion de se plonger dans ce qu’il se fait de mieux aux quatre coins du monde, avec une innovation qui n’est pas simplement une question d’originalité, comme le rappelle Vincent Callut: « Il y a des dérives, certains font des bières avec n’importe quoi, comme des bières avec de l’infusion d’hamburger. Ça n’a aucun intérêt, c’est du pur marketing. On ne retrouvera pas ça sur le festival. »

Mais alors, qu’est-ce que c’est, l’innovation dans le large milieu de la bière? Pour Vincent, innovation va de pair avec travail de longue haleine, simplicité et précision: « L’innovation, ce n’est pas se dire ‘ah, j’ai jamais bu une bière avec du thé matcha!’. L’innovation, ça peut être affiner tellement sa recette, parfois pendant des dizaines d’années, qu’on en arrive à une forme de perfection. Je compare toujours ça aux Beatles: leurs tubes ont une apparence très simple, mais c’est cette simplicité qui est compliquée. « 

Aux alentours de 15 heures, la foule se crée au BXL Beer Fest
©Lola d’Estienne d’Orves

« On n’est pas chauvins pour beaucoup de choses, mais on défend très fort nos bières. Pas toujours pour des bonnes raisons »

L’innovation ne viendrait pas uniquement de Belgique. Dans certains pays, où jusqu’ici la bière n’était pas synonyme de ferveur comme au plat pays – « On n’est pas chauvins pour beaucoup de choses mais on défend très fort nos bières. Pas toujours pour des bonnes raisons » glisse Vincent Callut – la bière s’étend et se découvre une nouvelle identité. Parmi ces pays, on compte notamment l’Italie: « L’Italie, c’est aussi un pays du vin, et ils s’en sortent très bien contrairement aux Français. Y a de très bonnes brasseries françaises, mais il y en a beaucoup plus qui restent très classiques. Ils ont toujours un complexe vis à vis du vin. Les Italiens ont réussi à mettre les deux ensemble avec les Italian Grape Ale, qui mêlent le mous de raisin à la bière. C’est une notion de terroir très forte. »

L’autre pays qu’on n’aurait pas attendu au tournant, ce sont les Etats-Unis. Jusqu’ici, bière américaine signifiait Budweiser tiède, mais le vent tourne aux USA: « Ils ont atteint un nouveau niveau de maturité au niveau du marché brassicole artisanal. Maintenant c’est pas la même chose. Une brasserie artisanale aux Etats-Unis, c’est pas les mêmes volumes que chez nous. » Des bières qui ont un succès monstre: en se baladant sur le festival, on ne peut s’empêcher de remarquer la file intarissable devant le stand de la De Garde Brewing, originaire d’Oregon.

De quoi, effectivement, faire pâlir tout belge persuadé que sa bière est la meilleure et que jamais un Américain, un Hongrois ou un Italien ne pourra le surpasser: « Y a une particularité du consommateur belge, c’est qu’il est certain d’être connaisseur en bières alors que c’est rarement le cas. »

« Tout le monde se proclame zythologue parce qu’il a bu 200 bières dans sa vie »

Une particularité qui irait de pair avec la popularisation du terme « zythologue »? « On confond beaucoup zythologues et expert ou connaisseur en bières. », raconte Vincent. « Le zythologue, c’est quelqu’un qui doit avoir un background technique et scientifique pour pouvoir aider le brasseur à affiner ses recettes de bières, éliminer les défauts, et chercher une efficience plus propre. Maintenant, tout le monde se proclame zythologue parce qu’il a bu 200 bières dans sa vie. »

L’apprenti expert aux 200 bières au compteur pourrait bien aussi ne jamais avoir goûté la moindre bière artisanale. « On retrouve maintenant des établissements à Bruxelles qui proposent des cartes gigantesques, qui au final appartiennent au même groupe. Le consommateur a un rôle très important à jouer. Nous, humblement, on essaie de l’orienter. « 

Surtout qu’aujourd’hui, à Bruxelles et un peu partout en Belgique, la bière connait un véritable boom. Des micro-brasseries naissent au fil des années en créant un univers riche et local du houblon, du lambic et de l’orge.

©Lola d’Estienne d’Orves

Dégustation puis fabrication

Attention cependant, si ton rêve est de te lancer dans le brassage, Vincent Callut a quelques conseils. Surtout que ça risque de te prendre plus de temps que ce que tu ne crois. Bonne nouvelle, la première étape sera la dégustation; « Si on veut se lancer, je conseille de goûter beaucoup d’autres choses, en Belgique et à l’étranger, parce que c’est toujours très intéressant de mettre en perspective nos bières belges par rapport à ce qui se fait à autre part. »

Ensuite, viendra le moment de pratiquer: « Essayer de faire deux bières maximum et affiner la recette au fur et à mesure avec des choses simples, droites, précises. Pas commencer par des bières barriquées (vieillies dans des barriques, ndlr). Il faut d’abord bien connaître son métier à la base et après quelques années, on commencera à sentir la patte du brasseur ou de la brasseuse dans la bière qu’on déguste. Là, c’est magnifique. »

©Lola d’Estienne d’Orves

Il est drôle comme, au fil des années, une boisson peut changer de conception. On se balade sur les lieux du festival tout en détruisant l’image vieillote de la bière associée au beauf, plus populaire en France qu’en Belgique. Aujourd’hui, à Bruxelles, toutes les populations se mêlent: hipsters à longue barbe et tatouages apparents, jeunes hyper-lookés arborant fièrement une stout dans leurs verres à pied, vieux de la vieille qui arborent fièrement leurs bides à bières, jeunes familles qui profitent du château gonflable pour boire une sour…

Mais pas de bourrage de gueule, même si au fil de la soirée, on commence à sentir une ébriété commune alors que de plus en plus de monde se rue sur les foodtrucks proposés dans la cour extérieure de Tour et Taxis.

La bière est fédératrice, subtile, représentative d’une culture sous toutes ses formes au BXL Beer Fest. On continuera peut-être à sortir une Jup’ ou une Maes en fin de soirée, alors que les portefeuilles deviennent plus légers, mais aucun doute: maintenant, on a compris ce que voulait dire « une bière honnête ».


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