La Belgique a aussi un « Correspondent’s Dinner », mais la dernière fois, le Premier ministre a oublié d’être drôle

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a importé aux Pays-Bas une tradition américaine: le « Correspondent’s Dinner ». À cette occasion, le président américain en profite pour rire avec tout un chacun. En Belgique, on organise depuis longtemps ce genre d’évènements: ils s’apparentent aux discours qui ont lieu lors des réceptions du gouvernement fédéral et flamand. D’habitude, c’est le moment où le Premier ministre rigole un bon coup avec tout le monde. Sauf que la dernière fois, c’est justement ce que Charle Michel (MR) a oublié de faire. 

Le « Correspondent’s Dinner » est l’occasion de rire un bon coup, quitte à être un peu lourd, mais toujours sous forme de blagues, histoire que ça ne soit pas mal pris. Aux États-Unis, c’est la seule occasion de l’année pour le président américain de déblatérer avec humour sur la presse.

Les Américains en font tout un show, toutes les grandes publications, les chaînes de télévision mais aussi des célébrités et des stars d’Hollywood sont invitées. Tous ont envie d’assister en direct au moins une fois dans leur vie aux blagues du président. L’an passé encore, Obama a fait sensation avec « sa version fâchée de lui-même » qui a fait bien rire Fox News, CNN puis au final tout le monde (voir la vidéo ci-dessous).

Hier, les Pays-Bas ont aussi eu droit à leur cocktail de blagues, lors du « Correspondent’s Dinner » de Mark Rutte. L’évènement ressemblait beaucoup à celui des Américains, avec quelques blagues spirituelles notamment sur le commissaire européen Frans Timmerans « qui parle bien sept langues mais va finir par suivre un cours pour apprendre à écouter ». Rutten avait dit au préalable qu’il trouvait ce dîner à la fois « terrifiant et passionnant ». Deux humoristes de Boom Chicago l’ont aidé à préparer son intervention. Finalement, Rutte a prononcé un discours d’un petit quart d’heure à la suite de quoi le chansonnier Dolf Jansen a clos le dîner satirique.

La même tradition existe depuis beaucoup plus longtemps chez nous

En réalité, cette tradition existe chez nous depuis beaucoup plus longtemps. Seulement on en fait moins un show, les caméras ne tournent pas et le niveau d’humour varie en fonction du Premier ministre ou du ministre-président. Cela tombe habituellement lors de la réception du gouvernement fédéral en janvier et du barbecue du gouvernement flamand en juillet. Pour le Premier ministre et le ministre-président flamand, c’est donc l’occasion de se laisser aller une bonne fois. Le gouvernement flamand choisit toujours un espace vert de la périphérie bruxelloise, tandis que le gouvernement fédéral opte pour un chouette endroit comme le Bozar ou le Val Duchesse.

L’évènement se déroule « off the record »: le but n’est pas que les discours deviennent publics. En tant que Premier ministre reconduit, Di Rupo avait tenu un discours vraiment marrant, au cours duquel il blaguait sur « la nouvelle amitié entre Wouter Beke (CD&V) et Charles Michel (MR), et les magnifiques photos de leur interview commune ».

Le meilleur des comédiens? Verhofstadt, c’est certain!

À en juger par les rires et les applaudissements de la dernière décennie, Guy Verhofstadt (Open VLD) a probablement été le plus drôle. Il a osé s’en prendre directement aux journalistes. C’était plutôt risqué mais excellent pour l’ego des personnes visées. Yves Leterme (CD&V) a aussi été étonnamment bon. À l’époque, il avait osé se lancer comme ministre-président flamand.

La prestation de Geert Bourgeois (N-VA) l’été dernier était aussi vraiment réussie. L’homme n’est pas particulièrement connu pour ce trait-là de sa personnalité mais son discours était délicieusement piquant pour toute la presse réunie. La fête s’est déroulée sous la pluie, ce qui a peut-être renforcé l’impact de son discours: toute distraction est bonne à prendre quand on est entassés sous une petite tente.

Le Premier ministre Charles Michel a commencé l’an passé en faisant fort. Au Résidence Palace, il a encore blagué sur la couverture médiatique des cahiers Atoma, où des pans secrets de l’accord de gouvernement sont consignés. « Nous nous engageons à vous les donner ce soir », a blagué le premier ministre. Seulement ils se sont avérés vierges.

Cette année, l’endroit était encore plus beau: le Val Duchesse, où des gouvernements se sont constitués et déchirés, où l’Union européenne a en partie été fondée. Sauf que le Premier ministre n’était apparemment pas d’humeur à jouer la comédie: il a prononcé un discours franchement ennuyeux sur la menace terroriste et l’emploi. Un seul mot lui revenait à la bouche: les jobs. Bref, le genre de choses qu’on peut entendre déjà assez souvent au parlement. Mais pas une seule note d’humour. Not a single joke

Une occasion ratée donc, mais on suppose qu’il s’agit d’un unique faux pas: le Premier ministre était sur le point de devenir père, il n’avait peut-être pas la tête à ça. Et sans aucun doute, Geert Bourgeois sera encore là cet été pour balancer des blagues, quelque part sur la pelouse d’un château flamand de la périphérie.

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte au cours de son « Correspondent’s Dinner »:

La version d’Obama l’an passé:

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