Starlink, le fameux réseau Internet diffusé par une galaxie de microsatellites chère à Elon Musk a le vent en poupe : celui-ci a eu l’occasion de prouver son utilité lors de déploiements en urgence quand l’infrastructure classique était hors service, d’abord dans l’archipel des Tonga puis en Ukraine. Mais s’il a apparemment bien résisté aux tentatives de guerre électronique de l’armée russe, le système high tech de SpaceX se retrouve attaqué sur son propre territoire, et par une autre technologie civile : la 5G.
SpaceX se prépare en effet à livrer une nouvelle bataille, sur le plan juridique cette fois. La société affirme que si les régulateurs fédéraux américains autorisent les réseaux sans fil 5G à utiliser une certaine bande de fréquences, cela pourrait entraîner des pannes généralisées pour ses propres clients.
Aux États-Unis comme ailleurs, ce sont les autorités nationales qui attribuent les fréquences radio à chaque entreprise qui en a besoin, afin que les signaux n’interfèrent pas entre eux. Mais Starlink s’estime lésée par la société de télévision par satellite Dish Network, un très gros acteur du marché outre-Atlantique, qui affiche plus de 15 milliards de revenus annuels.
« Starlink serait inutilisable pour la plupart des Américains »
Or Dish Network propose aussi un réseau de téléphonie mobile fonctionnant via la technologie 5G et SpaceX affirme que Dish a tenté de « tromper » la Federal Communications Commission, qui répartit l’utilisation du spectre entre les entreprises de télécommunications. L’entreprise aurait présenté une « analyse erronée » pour tenter de prouver que le fait d’autoriser Dish à étendre son réseau 5G n’aurait pas d’incidence sur les utilisateurs de Starlink, relève CNN.
À l’origine de l’impasse se trouve la bande des 12 GHz, une tranche de radiofréquences qui est principalement utilisée pour des services comme Starlink et son concurrent OneWeb. Or, celle-ci est convoitée par une alliance d’entreprises menée par Dish et nommée très sobrement Coalition 5Gfor12GHz, qui mène un lobbying très actif afin qu’elle leur soit attribuée. Impensable pour Starlink, qui s’y est vivement opposé dans un communiqué: « Si les efforts de lobbying de Dish aboutissent, notre étude montre que les clients de Starlink subiront des interférences nuisibles plus de 77 % du temps et une interruption totale du service 74 % du temps, ce qui rendra Starlink inutilisable pour la plupart des Américains. »
Lobbying intense et études contradictoires
Bien sûr, les partisans de la 5G contredisent cette analyse, arguant que 99,85 % des clients utilisant Starlink et des services similaires « ne subiront aucune interférence nuisible avec la 5G. » Mais la société fondée par Elon Musk va jusqu’à accuser ses rivaux de ne fournir que des données incomplètes aux autorités fédérales américaines afin de se voir attribuer cette fréquence si convoitée.
La présidente démocrate de la Federal Communications Commission, Jessica Rosenworcel, a qualifié ce dossier de « l’un des plus complexes que nous ayons » lors d’une audition à la Chambre des représentants en mars. « Il faudra beaucoup de travail technique pour s’assurer que les ondes peuvent accueillir toutes ces utilisations différentes sans interférences nuisibles », a-t-elle déclaré. « Je peux vous assurer que nos meilleurs ingénieurs sont en train d’évaluer la situation en ce moment même. »
Pourrait-on assister à ce même genre de querelle pour des fréquences en Europe ? Alors que les réseaux 5G se développent sur le continent, et que Starlink tisse sa toile à travers le monde -la société vient d’être autorisée à proposer ses services en France – il y a fort à parier que ces guerres pour des fréquences radio ne feront que se multiplier.