La colocation est une réalité, aussi bien pour les jeunes que pour les moins jeunes. Le souci, c’est qu’il y a un flou juridique qui peut vite transformer ta coloc en un enfer, si tout ne se passe pas comme prévu. C’est pourquoi Ecolo a lancé dès 2015 un projet de décret visant, notamment, à encadrer la colocation. Il permettrait aux colocataires de fixer un contrat à l’amiable en toute connaissance de cause. Une entrée en vigueur du décret est envisagée dès septembre. Stéphane Hazée (Ecolo), député wallon, nous en précise les enjeux.
Se mettre en coloc est une chouette expérience. Avantageux financièrement, c’est un mode de vie adopté par de plus en plus de monde. Le problème, c’est qu’il y a un vide juridique qui l’entoure. Que faire quand un des colocataires ne paye pas ou décide de se barrer soudainement? Quel meuble peut-être retiré en cas de saisie, ou quid des droits sociaux si l’un des colocataires bénéficie d’allocations d’insertion? Autant de questions que d’incertitudes une fois que ces litiges doivent être portés devant les tribunaux.
Vide juridique
Ecolo tente depuis longtemps de faire reconnaître ce mode de vie. La réalité ayant dépassé la loi, il est temps que le flou juridique qui pèse autour des colocations prenne fin. Et cela devrait intervenir « cette année », se réjouit Stéphane Hazée (Ecolo), député wallon: « La colocation est une réalité de fait. Des dizaines de milliers de personnes sont dans cette situation et doivent jongler avec les outils de droit commun ».
En clair, deux solutions s’offrent jusqu’à présent aux colocataires en Wallonie: soit ils signent tous un bail et nomment un garant, soit un des colocataires prend le bail à sa charge et sous-loue aux autres. Si cela règle généralement les litiges entre le propriétaire et les locataires, c’est beaucoup plus compliqué quand ils atteignent les colocataires entre eux. Répartition des charges, répartition des assurances, clause de départ ou de non paiement… autant de cas de litiges potentiels qui peuvent mettre une très mauvaise ambiance.
« À côté de cela, il y a des enjeux encore plus essentiels », ajoute Stéphane Hazée. « C’est l’application de la législation du droit social. Quand un des locataires bénéficie, par exemple, d’allocations de chômage ou du CPAS, cela peut poser problème. Puisqu’un certain nombre d’institutions considère les colocataires comme des cohabitants ». Du coup, un chômeur peut perdre son statut de chômeur isolé, sans pour autant qu’il y ait un partage des frais au sein de la coloc’ ou un compte commun par exemple.
Le pacte de colocation
Cela fait déjà trois ans qu’Ecolo milite pour éclaircir cette situation. Après une série d’auditions et l’organisation d’un colloque, les Verts ont déposé un projet de décret sur la réforme des baux dont l’un des chapitres est consacré à la colocation. Amendé en 2016, le projet de décret fait pour l’instant l’objet de discussions en commission.
Que précise-t-il? « Ce chapitre permet de faire entrer la colocation dans le droit à travers un bail qui sera spécifique à la colocation. Avec certaines règles précises, établies dans un pacte de collocation ». Une sorte de contrat entre colocataires, comme c’est le cas à Bruxelles. Il deviendra même une condition pour toute future colocation et aura force juridique.
Au sein de ce pacte, on retrouvera une répartition équitable du loyer, des charges, l’inventaire des biens meubles, la répartition des contrats d’approvisionnement d’assurances, ainsi que les modalités de départ et de remplacement, etc.
Éviter les potentiels conflits
« Ces situations ne posent pas de problème quand tout va bien évidemment, mais dès le moment où cela évolue défavorablement et de manière inattendue, c’est beaucoup plus compliqué », insiste Stéphane Hazée. Par expérience, ce genre de situations peut très vite dégénérer et envenimer les relations entre colocataires. D’autant plus quand les liens sont proches au départ.
« Pour ce faire, la Région va mettre en place un modèle type de pacte de colocation pour faciliter les choses, pour soulever les questions qui doivent être soulevées. Les différentes options seront donc présentées pour, in fine, consolider l’existence de la colocation et prévenir un certain nombre de difficultés ». Pour ce qui est des droits sociaux, Stéphane Hazée nous précise que la Région n’est pas compétente en la matière. C’est toujours à l’ONEM de décider quelles allocations elle va accorder, soit à un taux isolé soit à un taux cohabitant.
Mais l’arrêt de la Cour de cassation du 9 octobre dernier apporte « une réponse claire qui distingue la colocation et la cohabitation ». Conséquence: à l’avenir, les cours et tribunaux qui seront saisis sur des questions de cette nature seront tenus par cette interprétation de la plus haute juridiction du pays. Ce n’était pas toujours le cas avant: « Les droits sociaux sont soumis à beaucoup de restrictions et visiblement l’interprétation d’institutions comme l’ONEM était variable », ajoute le député.
Pour la suite du programme, le décret va faire l’objet d’une discussion article par article le 27 février en commission. On peut donc s’attendre à ce que le texte arrive en séance plénière au mois de mars. L’entrée en vigueur devrait s’opérer le 1er septembre, du moins si tout se passe bien. Mais de l’avis de Stéphane Hazée, il y a maintenant un relatif consensus entre les partis. Ce qui était loin d’être évident il y a trois ans.