Fort d’un scrutin où les séparatistes ont obtenu la majorité absolue, Carles Puigdemont est pressenti pour devenir le nouveau président de la Catalogne. Mais il y a un mais. L’indépendantiste exilé à Bruxelles sait que s’il rentre au pays, il sera arrêté dès sa sortie de l’avion. Du coup, une présidence à distance a été évoquée. Mais elle n’est pas du tout au goût de Rajoy, Premier ministre espagnol, qui a menacé de garder la Catalogne sous tutelle.
La crise politique entre l’Espagne et la Catalogne vient de connaître un nouveau rebond. En cause, l’exil à Bruxelles de l’ex et probablement futur président catalan, Carlos Puigdemont. Madrid veut tout faire pour qu’il rentre au bercail.
Souci: Carlos Puigdemont sait que dès qu’il foulera le sol del’Espagne, il sera arrêté. Le leader du parti démocrate européen catalan (PdeCat), à droite sur l’échiquier politique, est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt en Espagne pour « sédition et rébellion ». D’ailleurs, deux de ses anciens députés sont toujours incarcérés en Espagne, d’autres ne peuvent plus quitter le territoire ayant été privés de leur passeport.
« Skype-présidence »
Carlos Puigdemont sort pourtant relativement renforcé des élections anticipées du 21 décembre dernier. Non pas que son parti ait fait une super perf’, mais plutôt grâce à une alliance avec l’autre grand parti indépendantiste, de gauche celui-là, comme son nom l’indique: la Gauche républicaine de Catalogne (ERC). Avec l’aide du petit parti d’extrême gauche, Candidature d’unité populaire (CUP), ce nouveau bloc compte 70 sièges sur 135. Léger, mais suffisant pour voir Carlos Puigdemont reprendre son trône (en tout cas sa chaise) au sein du Parlement catalan.
Mais pour ce faire, il est justement censé retourner au pays. Histoire d’exercer ses droits légitimés par le scrutin. Mais Puigdemont n’est sûr de rien. Son voeu de renouer le dialogue avec Rajoy, Premier ministre espagnol, à Bruxelles, s’est soldé par un échec.
Du coup, Puigdemont et son parti ont envisagé une investiture à distance, depuis Bruxelles. Surnommée ironiquement la « Skype-présidence » par la presse espagnole, elle a été balayée d’un revers de la main par Rajoy ce lundi. Le Premier ministre estime que Puigdemont doit « prendre ses fonctions physiquement, car on ne peut le faire depuis Bruxelles ». Rojoy s’est montré ensuite plus menaçant: « s’il ne le fait pas, l’article 155 restera en vigueur. » Il fait référence à la mise sous tutelle de la Catalogne par Madrid suite à la déclaration unilatérale d’indépendance du 27 octobre dernier. En d’autres mots: tant que tu ne rentres pas au bercail, la Catalogne perd toute son autonomie.
La #Catalogne restera sous tutelle si Carles #Puigdemont reste à Bruxelles, prévient Mariano #Rajoy pic.twitter.com/zfCA72xJWy
— CNEWS (@CNEWS) 15 janvier 2018
Plusieurs scénarios
Que va donc faire Puigdemont? Vendredi dernier, lui et ses troupes ont donné une conférence de presse depuis Bruxelles. On n’y a pas appris grand-chose. Il s’agissait tout au plus d’une conférence pour afficher une unité et pour dire aux nombreux correspondants espagnols restés dans la capitale de l’Europe: ‘On existe toujours’.
Mais cette unité affichée est-elle partagée par tous? Non. En Catalogne, nombreux sont les électeurs séparatistes qui ne comprennent pas qu’un chef vive ainsi reclus au cœur de l’Europe. Certains lui reprochent même son manque de courage politique. La pression s’accentue pour son retour au pays, y compris dans son camp.
De plus, le scénario d’une investiture à distance doit être étudié par les services juridiques catalans et tout indique pour l’instant qu’une présence physique reste obligatoire, à moins de changer les règles de l’élection. C’est donc une bataille juridique qui est maintenant lancée.
Une autre solution a été envisagée sans toutefois être évoquée devant les journalistes: que Puigdemont se fasse remplacer par un autre membre de son parti. Un parti qui est par ailleurs cerné par un scandale de corruption.
Et après?
Enfin, il reste la possibilité de rentrer au pays par la grande porte. Soutenu par des milliers de personnes, on imagine difficilement que le futur président catalan soit arrêté au milieu de la foule, auréolé de sa victoire aux élections anticipées. Quoique. Madrid s’est toujours montrée particulièrement intransigeante depuis le début de la crise. Réponse dans une premier temps ce mercredi, jour de la première séance du Parlement régional catalan, et au plus tard le 31 janvier, jour de l’investiture.
Quant à l’avenir de la Catalogne indépendante, c’est encore une autre paire de manches. La population catalane reste profondément divisée sur la question. Les indépendantistes, ensemble, représentent un peu plus de 47% des suffrages selon le dernier scrutin. C’est beaucoup, mais par définition pas suffisant pour faire plier les 53 autres pourcent.
Le premier ministre espagnol méprise le résultat des élections qu'il a provoquées. Il ne rétablira pas les droits du Parlement catalan si son président est réélu depuis la Belgique. Rappelons qu'en Espagne, C. Puigdemont serait prisonnier politique.
— Neumuller Michel (@NeumullerM) 15 janvier 2018