64% des étudiants travaillent pendant l’année scolaire: une nouvelle preuve de la précarité étudiante?

D’après une enquête de Randstad, le nombre d’étudiants qui travaillent durant l’année scolaire a doublé depuis 2004. Un chiffre qui interpelle, et pose une nouvelle fois la question de la précarité étudiante, remise sur le tapis à de nombreuses reprises par les associations étudiantes, avec la FEF en figure de proue.

En 2004, ils étaient 30% à travailler durant l’année scolaire. Aujourd’hui, d’après une récente étude de Randstad menée auprès d’un échantillon représentatif de 1.000 étudiants, ils sont passés à 64%. En sachant qu’on compte un demi-million d’étudiants jobistes, toutes périodes confondues, ce sont donc quelques 300.000 étudiants qui se retrouvent à conduire des horaires de travail durant les mêmes périodes que leurs cours.

Screenshot étude Randstad – évolution du nombre d’étudiants jobistes durant l’année

Assouplissement et pénurie

Ce chiffre est impressionnant, et trouve ses causes, d’après Randstad, dans deux critères majeurs: l’assouplissement de la législation concernant les jobs étudiants, mais aussi la pénurie du marché du travail. En gros, il est à la fois plus facile de travailler à temps partiel pour un étudiant, qu’il est facile de l’embaucher pour une entreprise. Aussi, les emplois où ils se positionnent sont surtout réservés à des personnes peu qualifiées, et sont donc « faciles » à trouver.

Les secteurs en question sont ceux auxquels on s’attend. On retrouve bien sûr le commerce de détail et l’horeca en pôle position:

Randstad – secteurs les plus prisés pour les étudiants jobistes

La précarité étudiante revient sur le tapis

Bien que le rapport de Randstad apporte de bonne nouvelles au niveau social, notamment le fait qu’on a enfin atteint l’égalité salariale chez les étudiants, la hausse des jeunes qui compilent année scolaire et travail interroge.

La précarité étudiante revient sur le tapis. Randstad n’apporte pas vraiment de réponses quant aux motifs pour lesquels ces étudiants décident de prendre un job en même temps que leurs études: payer ses sorties, un minerval ou un loyer se retrouvent donc dans le même panier quand on parle des statistiques citées précédemment.

On sait, globalement, que de tous les jeunes qui entament un job étudiant, toutes périodes confondues, 72% le consacrent aux sorties, 69% à l’épargne, tout deux talonnés par des dépenses liées au matériel (smartphones, ordinateurs) ou aux loisirs (sport, vêtements, musique, hobby, livres, etc.). Seulement 32% des étudiants utilisent leur budget pour participer (partiellement) aux études, ce qui représente tout de même une hausse de 7% comparé à l’année dernière. Idem pour la participation au budget familial, qui est passée de 22 à 29% en l’espace d’un an.

Mais impossible de recouper le chiffre des 64% des étudiants qui travaillent durant l’année à ces données. Difficile donc de pouvoir tirer une conclusion sur si, oui ou non, la précarité étudiante fait partie des causes de cette hausse.

Des statistiques pas si étonnantes

Une image de la campagne récente de la FEF contre la précarité étudiante

La FEF (Fédération des Etudiants Francophones) fait partie des organisations étudiantes qui luttent contre cette précarité. Avec une campagne cette année contre le coût grimpant des études et la réalisation d’une enquête sur les conditions de vie étudiante durant l’année 2016-2017, ils luttent pour que les étudiants jobistes bénéficient de dispositions qui leur permettraient de mieux concilier études et travail.

Leur enquête réalisée en 2016 a, elle, sondé 3.000 étudiants, révélant qu’un jeune sur quatre doit jobber pour financer ses études. Pour Chems Mabrouk, présidente de la FEF, les nouveaux chiffres de Randstad ne sont pas une surprise: « Dans un contexte de précarité de plus en plus importante, on voit que le nombre d’étudiants au CPAS et qui demandent des allocations d’études augmentent. Ce n’est pas très étonnant que le nombre de jobistes augmente aussi. »

« Si un étudiant ne travaille pas, il a une probabilité plus élevée de 43 points de réussir son année »

Chems Mabrouk, présidente de la FEF

Le problème, pour la Fédération des étudiants Francophones, c’est qu’un tel rythme de travail peut avoir un impact sur la réussite de l’étudiant. Chems Mabrouk enchaîne: « Une étude de l’INSEE a montré que si un étudiant ne travaille pas, il a une probabilité plus élevée de 43 points de réussir son année. En même temps, le système de crédits actuel est l’équivalent d’un temps plein en heures de travail. On impose donc aux étudiants, en plus de réussir leurs études, des heures de travail. »

Quelles solutions alors face à cette problématique? Du côté des étudiants, 57% indiquent vouloir travailler si possible encore plus d’heures que les 475 réglementaires sous statut étudiant. Une attitude compréhensible, étant donné que ces heures permettent rarement de subvenir à ses besoins tout au long de l’année. Certains les dépassent, et dans tous les cas ce surplus entraînera une perte des allocations familiales, ainsi que le passage de jobiste à travailleur: coucou les cotisations sociales.

Assouplissement or not assouplissement

Mais un assouplissement serait une mauvaise idée pour Randstad: travailler encore plus rendrait la réussite de ses études bien plus dure, et réduirait la part d’emploi d’autres groupes plus vulnérables encore plus mince. Les étudiants coûtant bien moins cher aux entreprises, cela pourrait entraîner l’éviction de ces groupes du marché du travail.

L’assouplissement comporte donc ses risques, comme le pointe Randstad. Une autre solution reposerait sur les revendications de la FEF, comme l’explique Chems Mabrouk: « On veut s’assurer que les jobs étudiants se passent dans de bonnes conditions, et que ce ne soit pas un frein aux études. »

Pour ce faire, la FEF propose trois mesures: « Il faut une protection sociale pour les étudiants jobistes, qui pour l’instant n’en bénéficient pas,ce qui fait qu’en cas d’accident de travail ou de maladie, il n’y a pas de compensation. Aussi, réduire le coût des études et faire en sorte que le salaire soit le même pour tous les étudiants, sans considération d’âge. »

Au niveau politique, la FEF n’a pas reçu de réponse favorable quant à ces revendications. Difficile, en même temps, quand on n’a pas encore de gouvernement. Au final, cette hausse des jobs étudiants mérite d’interpeller les autorités, qu’elles soient universitaires ou politiques.

L’époque où tout un chacun se consacrait uniquement à ses études durant les années de bachelier, master ou doctorat est bel et bien révolue, et qu’elle aille dans un sens comme dans l’autre, une réaction devient urgente pour éviter que la précarité des étudiants jobistes ou travailleurs n’empire.

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