Une ‘grande coalition’ était prête, mais a échoué pour une lutte d’ego

La formation d’un gouvernement fédéral a connu un coup d’accélérateur. PS et N-VA avaient un accord pour former une coalition qui se préoccupe des grandes urgences qu’affronte notre pays. Mais l’impulsivité de Paul Magnette (PS), et ensuite le blocage de George-Louis Bouchez (MR), ont fait échouer les tractations. En tout cas pour le moment.

Nous vous confirmions hier qu’un accord avait bien été scellé entre le PS et la N-VA. L’objectif: former une coalition pour faire face à la crise du coronavirus, mais aussi pour éviter un dérapage budgétaire plus important (autour des 14 milliards d’euros).

Restait à convaincre les autres membres de cette potentielle coalition. Un grand rassemblement autour des socialistes, des libéraux et du tandem N-VA-CD&V. Après des discussions entamées dès mercredi, il ressort que le PS, N-VA, sp.a et CD&V étaient tous partants.

Restait à convaincre les libéraux. Il nous revient que l’Open VLD craignait quelque peu de perdre de l’influence dans cette formule. Mais le PS lui aurait donné certaines garanties. Après tout, il s’agit d’un gouvernement d’urgence. ‘Nous ne ferons pas d’histoires, on veut juste savoir qui est prêt à participer’, est ce qu’il ressort des discussions.

Toutes les pièces du puzzle se mettent en place. Les Verts? Ecolo n’intégrera pas une coalition avec les nationalistes flamands, qui plus est dans une formule où ils ne sont pas nécessaires.

Magnette-GLB

Georges-Louis Bouchez (MR)
Georges-Louis-Bouchez, président du MR – Isopix

Qu’est-ce qui bloque alors? Il nous revient de plusieurs sources au sein des négociations que Paul Magnette (PS) a fait preuve d’une certaine impulsivité. Le président du PS est un homme intelligent, c’est reconnu par ses amis comme par ses ennemis politiques, ‘mais en même temps, il a quelque chose d’incroyablement impulsif’, nous explique un négociateur. Et ça n’a pas plu à son désormais grand rival George-Louis Bouchez (MR). Comprendre: Paul Magnette a voulu tirer la couverture vers lui et son parti, et ‘cela a agacé Georges-Louis Bouchez’. Nous y reviendrons plus loin.

Magnette a voulu prendre les choses en main et négocier avec les libéraux flamands et francophones. De sa propre initiative, il a rédigé une note dans la nuit de jeudi à vendredi sans De Wever (N-VA). Le but? La proposer aux libéraux. Une réunion en interne au PS a donné le feu vert vendredi matin au président du PS. Non sans difficultés.

De son côté, le Palais n’a pas été informé non plus de toutes ces tractations. Ce qui a ajouté un peu de confusion à la cacophonie générale.

À partir de ce moment-là, le scénario qui aurait peut-être dû voir Magnette et De Wever remplacer le duo Dewael (Open VLD) – Laruelle (MR) avec une casquette de formateur a commencé à fuiter dans la presse. Ce qui n’augurait rien de bon.

Le MR envoie un signal: ‘Très bien, un gouvernement d’urgence. Mais quid du gouvernement actuel? Nous voulons des garanties’, comprend-on dans les hautes sphères. Après tout, Paul Magnette a longtemps été vu comme le torpilleur de la mission Bouchez-Coens, allait-il maintenant émerger comme le sauveur de la nation et devenir formateur ? Le MR n’a pas du tout apprécié.

Auprès d’un négociateur, nous entendons: ‘N’oubliez pas que les deux se situent dans le Hainaut, et se battent là-bas pour être le numéro un. C’est un combat de coqs en profondeur et qui continue d’apparaître.’

Quid de la Première ministre?

Première ministre Sophie Wilmès (MR) – Isopix

Le MR et GLB ont bien sûr en tête de ne pas perdre leur influence sur le gouvernement, avec une Première ministre, Sophie Wilmès, et 7 autres ministres. ‘Nous jouons tous un peu au-dessus de notre poids (politique) dans ce gouvernement en affaires courantes. L’Open Vld et CD&V devraient perdre au moins un ministre. Le MR a beaucoup plus à perdre’, a déclaré un membre du gouvernement.

Les libéraux francophones craignent aussi le poids du duo PS-N-VA. Il serait logique que le rôle de Premier ministre leur revienne. Ce n’est pas acté, mais ils seraient clairement en position de force. ‘Nous ne venons pas nous asseoir à l’arrière et faire la vaisselle’, nous rapporte une source de la N-VA. Il se dit aussi que les deux partis reconnaissent à l’unisson que l’actuelle Première ministre ne fait pas le poids. Son rôle dans la crise du coronavirus a pourtant été salué par beaucoup. Les positions évoluent constamment.

Mais cette position ne plait bien sûr pas du tout au MR et à son président. L’atmosphère devient tendue. La journée de vendredi sent le souffre. Chacun commence à se protéger. Mais si ça échoue maintenant, il ne restera que peu d’options, tous le savent. ‘Le gouvernement d’urgence était suspendu à un fil hier’, nous déclare une personne concernée.

Au cours de la soirée, les familles libérales et socialistes se sont à nouveau rencontrées pour sortir de l’impasse. Autour de la table: Bouchez et Magnette, ainsi que Conner Rousseau (sp.a) et Gwendolyn Rutten (Open VLD). Pas de résultat concret.

Un négociateur nous glisse: ‘Si cela échoue cette fois, c’est vraiment fini. Ensuite, c’est le vide. C’est l’ultime occasion de faire avancer les choses, et enfin de commencer à démêler ce nœud fédéral. Que la N-VA soit là et veuille se battre (pour un gouvernement) pendant que les francophones se disputent montre toute l’ironie de la situation. Les francophones se retrouvent coincés.’

Éviter les élections

Et maintenant? Les négociations sont au point mort, mais ça pourrait encore bouger. Ce matin, un tweet du président du sp.a ne faisait pas dans la demi-mesure: ‘Si rien ne bouge aujourd’hui, il n’y aura rien lundi. Ce serait inacceptable. C’en est assez avec les veto et les ego. Si chacun montre de la bonne volonté, il peut se passer quelque chose aujourd’hui.’

La pression des élections anticipées est forte. Un sondage attendu RTL-Le Soir-VTM-HLN place la N-VA à 22,1% et le Vlaams Belang à 28%. Le CD&V à 11,7%, l’Open VLD à 10,3% et enfin le sp.a et Groen qui ferme la marche autour des 10% également. Les deux partis nationalistes récoltent donc un total de 50,1 %.

En Wallonie, le PS est à 25,5% contre 19,6% pour le MR. Le PTB est lui crédité d’un étonnant score de 18,6%, soit au-dessus d’Ecolo et ses 15,5%. Le cdH atteint lui les 7,5%.

A Bruxelles, le PS repasse légèrement en tête. Le MR complète le podium. Le PTB se stabilise autour des 12%, soit devant DéFI et un cdH en dessous des 4%.

Source: BusinessAM

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