La loi climat est (presque) morte et enterrée: à qui la faute?

Née de la volonté de répondre aux préoccupations climatiques des citoyens, la loi climat a du plomb dans l’aile. Elle n’a même plus aucune chance d’aboutir avant la fin de la législature. En tout cas sous sa forme actuelle. Les Écologistes, à l’initiative, taclent les libéraux. Eux répondent que la méthode n’est pas la bonne. La campagne est lancée.

La question climatique n’est pas l’affaire de quelques milliers d’étudiants en crise de désespoir. Selon une enquête de Sign For My Future, elle fait partie des questions urgentes à résoudre pour 90% des Belges.

53% estiment même que notre pays doit se doter d’une loi climat contraignante. Pas de doute, les enjeux climatiques sont et seront au cœur de la campagne électorale de mai prochain. Ils sont d’ailleurs 45% des sondés à déclarer que la question climatique influencera leur choix dans l’urne.

Tout le monde l’a bien compris. Et personne ne veut laisser Ecolo et Groen avoir le monopole sur cette question. Chaque parti, de manière plus ou moins légitime, se pare de vert. À quelques mois des élections (26 mai), chacun fait ses propositions climatiques.

Face au mécontentement de la rue, ce sont toutefois les écolos qui ont dégainé les premiers. Reprenant les principaux points d’un texte émis par des universitaires et chercheurs belges, leur proposition de loi récoltait un relatif consensus au sud du pays. Marie-Christine Marghem (MR) revendiquait même, à raison, la maternité de la loi climat.

Constitution ou coopération

Mais au fil des jours, les libéraux ont émis des doutes, jusqu’à rejeter la proposition de loi sous cette forme ce mardi en commission, après un ultimatum lancé par les Verts. Leur ligne de défense était prête: pour entrer en vigueur, la loi climat devait passer par une révision de la constitution et plus particulièrement de l’article 7 bis. Ouvrir la « boîte de Pandore » ? Pas question: « Nous avons mis le communautaire au frigo (…), nous ne voulons pas jouer aux apprentis sorciers », explique le chef de groupe MR à la Chambre, David Clarinval. Quand on ouvre la révision de la constitution, on sait quand ça commence, pas quand ça se termine.

À cette voie trop dangereuse, le MR oppose un accord de coopération entre les Régions et le fédéral. Il a l’avantage de ne pas toucher à la constitution, de laisser les contradictions parlementaires de côté, mais il prend du temps, beaucoup de temps. « Des années et des années », déplore Laurette Onkelinx (PS) « alors que l’urgence climatique est là ». Il est vrai que le dernier plan climat a mis dix ans à aboutir, et il n’est même pas assez ambitieux.

Le MR est donc au cœur de toutes les critiques du côté francophone. Les mots choisis sont durs pour qualifier la décision du parti de Charles Michel. Pour Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo, « c’est un bras d’honneur aux dizaines de milliers de manifestants qui se mobilisent chaque semaine pour que la Belgique se mette enfin sur le chemin de l’accord de Paris. »

Du côté des libéraux francophones, on accuse Ecolo de « désinformation calomnieuse et indigne ». David Clarinval y voit une volonté des écologistes « d’éviter de discuter de notre proposition. Et la voir éventuellement adoptée », « nous aussi nous sommes ambitieux ! »

Campagne, campagne

À qui la faute donc? Qui croire? D’un côté, on peut reprocher au MR de vouloir sauver la face, de privilégier ses propositions au détriment de l’intérêt général, d’avoir changé d’avis. De l’autre, on peut reprocher à Ecolo de vouloir s’attribuer tous les mérites et de passer par une méthode qui n’a que peu de chances d’aboutir.

En effet, cette loi climat est qualifiée de spéciale. C’est-à-dire qu’elle doit obtenir une majorité spéciale des deux tiers au Parlement (Chambre et Sénat) en plus d’une majorité simple dans chaque groupe linguistique. Or la N-VA a toujours exprimé son refus, elle qui oppose écologie punitive et progrès scientifique. Du Côté de l’Open VLD, Patrick Dewael a répété l’opposition de son parti, privilégiant, là aussi, la voie de la coopération. Le CD&V n’est pas très enthousiaste non plus, au contraire du cdH. Les deux partis frères qui s’étaient récemment rassemblés, après des années sans se parler, sont à nouveau divisés sur une question majeure. Bref, la Flandre dit non, au grand regret d’Anuna De Wever qui y voit « une énorme insulte à ces milliers de jeunes descendus dans les rues depuis près de 10 semaines. »

La faute principale, elle revient à la campagne électorale. Chacun veut logiquement tirer la couverture vers soi, montrer à la population son positionnement, ne pas laisser place libre à ses adversaires. Ainsi fonctionne la particratie politique, et tant pis pour la clarté et l’intérêt général.

Quant à la loi climat, elle n’aboutira pas, sauf miracle, avant le 26 mai prochain. Car, que l’on procède par l’une ou par l’autre méthode, personne ne voudra faire un pas vers son adversaire.

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