Extinction Rebellion: la non-violence militante a-t-elle atteint sa limite à Bruxelles?

Ils s’appellent « rebelles » entre eux, organisent des mobilisations non-violentes et ont été victimes de gazages par les forces de police ce samedi à Bruxelles. Extinction Rébellion, c’est le mouvement citoyen pour l’écologie qui rappelle d’autres émulsions mobilisatrices à la Indignez Vous!, Occupy Wall Street ou même Nuit Debout. Pourtant, même au sein des milieux militants, ils font débat. Alors, pourquoi dérangent-ils autant?

L’actualité belge de ce weekend, c’est avant tout une image impactante: celle d’Olivier de Shutter, professeur à l’Université Catholique de Louvain en droit international et ex-rapporteur à l’ONU, venu intervenir ce samedi lors de la manifestation non-violente d’Extinction Rébellion. À l’image, on ne voit pas Olivier de Shutter réaliser un discours sur l’épuisement des ressources et l’urgence climatique, comme on aurait pu s’y attendre. Au contraire, on le retrouve face à un policier qui le tient à bout portant avec une arme chimique, s’apprêtant à le gazer.

Plus de 400 arrestations

317 arrestations administratives ont été opérées, additionnées à quelque 118 personnes emmenées au poste pour identification, rapporte BX1. De quoi donner aux manifestants d’XR, qui prônent un mouvement pacifique, une envie de sortir de la non-violence.

Une vidéo de violences à Londres partagée par XR.

C’est en effet l’une de leurs marques de fabrique. Extinction Rebellion a comme stratégie, telle que c’est décrit sur leur site, de pratiquer la non-violence: « Au cœur de la philosophie d’Extinction Rebellion existe la désobéissance civile non-violente. Nous faisons la promotion de la désobéissance civile et la rébellion, car nous pensons que c’est nécessaire – nous demandons aux gens de trouver leur courage et d’amener le changement de manière collective. »

Si on doit résumer leur statégie, on peut le faire en 4 points:

  • Désobéissance civile: refuser une loi, organisation, un pouvoir ou une autorité admise de manière pacifique, afin d’attirer l’attention du public, médiatique et politique et créer une remise en question.
  • Non-violence: tout est dans le nom. Si certains mouvements militants pensent que la révolution passe aussi par la violence, ER n’est pas de cet avis.
  • Collectif: la révolution d’Extinction Rébellion a débuté le 8 octobre. Prouesse: les mobilisations sont internationales, à la manière des Marches pour le Climat.
  • Effondrement: le terme « extinction » appelle à la notion d’effondrement, concept que les militants climatiques définissent comme l’effondrement de la civilisation industrielle.

Habituellement en bons termes avec la police

Outre ces caractéristiques majeures, ce mouvement né en Angleterre en octobre 2018 n’a pas la réputation d’être en mauvais termes avec la police. Au contraire, sur leur site, on peut lire qu’ils préviennent généralement les forces de l’ordre lors des protestations, excepté dans le cadre d’actions qui nécessiteraient un « effet de surprise ». Ils n’excluent cependant pas le fait d’être arrêtés, partie majeure de la désobéissance civile.

En France, pays retourné par des mois de mobilisations des gilets jaunes, Extinction Rebellion est considéré comme « épargné » par les forces de l’ordre. Une clémence due, comme le déduit France Info, à un nombre plus réduit de manifestants, des mobilisations moins violentes, une réputation malmenée du ministère de l’intérieur et une cause climatique plus que populaire (contrairement à la controverse propice aux Gilets Jaunes).

Il faut aussi noter qu’alors que bien des mouvements militants sont anti-policiers, Extinction Rebellion pointe le fait que les forces de l’ordre sont elles aussi concernées par la lutte pour le climat et ne devraient pas être tenues responsables du système.

Extinction Rebellion face à un choix

Mais alors, que s’est-il passé samedi? Depuis ce 7 octobre, le mouvement a changé. En Écosse et à Londres, on parle de violences policières. Idem à Bruxelles. XR a passé un cap. Celui, inévitable quand on se lance dans un mouvement militant, du réel dérangement.

https://www.facebook.com/watch/?t=6&v=406643470000192

Ils n’étaient pas beaucoup pourtant ce samedi. Tout a commencé aux jardins du Palais Royal, où XR a souhaité organiser une « assemblée populaire », laissant les intervenants parler à tour de rôle (d’où la présence d’Olivier de Shutter). Zone neutre qui n’est pas censée être le lieu de mobilisations, les jardins ont rapidement été évacués pour amener les quelques centaines de personnes sur la place royale, lieu de haute circulation à Bruxelles.

Résultat: un trafic perturbé en début d’après midi par un sitting d’XR. Malgré les demandes de la police, les manifestants sont restés sur place avec pour projet d’organiser une occupation spontanée de 24 heures. Puis ont commencé les arrestations, le gazage et tout ce qui s’ensuit. Ce samedi a signé, du moins à Bruxelles, la fin de la bonne entente entre XR et la police.

Sur Facebook, Extinction Rebellion Belgium parle de violences policières « inacceptables », tout en affirmant que la mobilisation a été un succès. Une enquête a été ouverte. Pour Philippe Close (PS), bourgmestre de la ville de Bruxelles, il n’y a pas eu de faute de la part de la police. Des représentants d’XR devraient le rencontrer prochainement.

https://www.facebook.com/ExtinctionRebellionBE/photos/a.350035975826182/533097230853388/?type=3&theater

Un mouvement militant, une fois qu’il prend de l’ampleur, est confronté à un choix: poursuivre dans sa non-violence, ou entamer des actions qui dérangeront les autorités, quitte à riposter en cas d’affrontement avec les forces de l’ordre. La question se pose: la non-violence d’Extinction Rebellion, et de manière plus large des mouvements pour le climat a-t-elle atteint sa limite?

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